Et si une crise du verglas survenait à nouveau?

Depuis la crise du verglas, Hydro-Québec a remanié son réseau de sorte à éviter les chutes en cascade des pylônes.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Depuis la crise du verglas, Hydro-Québec a remanié son réseau de sorte à éviter les chutes en cascade des pylônes.

Il y a 20 ans, le Québec faisait face à l’une des plus grandes catastrophes naturelles de son histoire. Entre le 4 et le 10 janvier 1998, la tempête de verglas a laissé jusqu’à 100 millimètres de pluie verglaçante sur son passage, plongeant dans le noir plus d’un million d’abonnés d’Hydro-Québec au pire de la crise. Deuxième texte d’une série à lire jusqu’à samedi.

Des pylônes qui tombent comme des dominos, la plus importante ville du Québec qui frôle la pénurie d’eau potable et des municipalités impuissantes au sein d’un système centralisé : l’expérience de 1998 a mis en évidence plusieurs points faibles qui sont aujourd’hui corrigés, assurent les responsables actuels, tout en prévenant qu’il est impossible de tout prévoir.

Dans son rapport publié en 1999 sur la crise du verglas, le président de la commission qui porte aujourd’hui son nom, Roger Nicolet, a notamment invité Hydro-Québec à sécuriser les approvisionnements en électricité en renforçant son réseau. Et la société d’État affirme qu’elle a fait ses devoirs.

Le réseau de lignes à haute tension est plus robuste qu’il y a vingt ans et différents moyens ont été déployés pour réduire les délais de rétablissement du courant en cas de panne majeure, explique l’ingénieure Marie-Ève Grenier.

« On veut limiter les dégâts, dit-elle. On ne peut pas complètement les éviter, parce que c’est une question de compromis fiabilité-coût. »

Hydro-Québec installe désormais un pylône anti-chute en cascade tous les dix pylônes, pour qu’une infrastructure qui s’effondre n’entraîne pas les autres dans sa chute, comme en 1998. Sur le réseau de distribution, visible dans les rues des municipalités, on s’assure qu’en cas d’accumulation de glace, le fil tombe, mais pas le poteau.

Et surtout, souligne Mme Grenier, l’architecture du réseau n’est plus la même. Il est maintenant configuré en « boucles », ce qui fait en sorte qu’un secteur n’est plus dépendant d’une seule ligne pour son approvisionnement en électricité.

« Un endroit en particulier va être desservi par deux lignes. Donc si l’une tombe, l’autre prend le relais », résume-t-elle.

Améliorer la coordination

 

Sur le plan de la gestion, un comité d’experts mandaté par Hydro-Québec en 1998 a conclu que la société d’État devait améliorer la coordination de toutes ses activités, « depuis la production jusqu’au client ». L’actuel responsable des affaires publiques et des médias chez Hydro-Québec, Serge Abergel, soutient que les liens entre les différentes équipes sont renforcés et que le plan de mesures d’urgence est conçu pour regrouper l’ensemble des activités de l’entreprise, ce qui n’était pas le cas il y a vingt ans.

« Je constate encore aujourd’hui qu’il y a des améliorations à faire. Il faut regarder ça avec une certaine humilité, précise M. Abergel. Nous sommes plus efficaces dans ce partage d’information qu’on ne l’a jamais été, mais je pense qu’on peut toujours améliorer l’intégration. »

Si des événements comparables à ceux de 1998 survenaient en 2018, la communication serait également bien différente, précise le porte-parole. Hydro-Québec serait par exemple en mesure de diffuser du contenu et des mises à jour en continu directement sur les réseaux sociaux.

Éviter la pénurie d’eau

Il y a vingt ans, le verglas n’a pas seulement fait tomber des pylônes et privé d’électricité des millions de Québécois. À Montréal, une panne de courant a paralysé les deux plus importantes usines de filtration de la ville, Atwater et Des Baillets, ce qui a fait planer la menace d’une pénurie d’eau potable.

« On était alimenté par Hydro-Québec et on l’est toujours », affirme la directrice du Service de l’eau de la Ville de Montréal, Chantal Morissette. Mais aujourd’hui, explique-t-elle, il y a un plan B.

En 2003, la Ville a signé une entente avec la compagnie Rolls Royce pour assurer l’approvisionnement en électricité de ses deux principales usines de filtration d’eau en cas d’urgence entre le 1er décembre et le 31 mars. Cette entente, désormais honorée par l’entreprise Siemens, prévoit que Montréal reçoive les 35 mégawatts nécessaires pour faire fonctionner Atwater, Des Baillets et le réservoir McTavish dans un délai maximal de 14 heures.

Comme le réseau de transport d’Hydro-Québec, le réseau d’aqueduc de la Ville est par ailleurs « bouclé » pour diversifier les sources d’approvisionnement.

« Tous les changements nécessaires ont été faits pour assurer la protection des installations et de l’approvisionnement en eau potable », tranche Mme Morissette.

Faire face aux crises

 

La deuxième grande recommandation formulée en 1999 par la commission Nicolet concernait l’adoption d’une politique québécoise de sécurité civile « aboutissant à l’émergence d’un véritable système de sécurité civile ». Deux ans plus tard, la Loi sur la sécurité civile entrait en vigueur.

« On était loin du niveau de préparation et de la structure de sécurité civile qu’on a présentement au Québec », affirme Éric Houde, le directeur des opérations de la Direction générale de la sécurité civile et de la sécurité incendie du Québec.

Celui qui a pris la tête du bureau montréalais de la sécurité civile en février 1998 admet qu’à l’époque, la gestion de crise s’est avérée « complexe » et que plusieurs municipalités ont été prises au dépourvu. Si une tempête semblable s’abattait aujourd’hui sur le Québec, les citoyens et les municipalités seraient alertés et des ressources seraient déployées à l’avance sur le terrain, dit-il.

Villes impliquées

 

Le cafouillage de l’autoroute 13, survenu en mars dernier, a mis en évidence des problèmes de communication au sein du gouvernement, mais M. Houde fait remarquer que son équipe parvient à gérer près de 300 événements par année.

« On a une structure de sécurité civile qui est moderne et qui est efficace, insiste-t-il. Ce n’est plus une petite équipe d’une cinquantaine de personnes qui porte ça sur ses épaules. »

« Les villes sont mieux outillées, mais il reste encore du travail à faire. […] Ce n’est pas l’ensemble des municipalités au Québec qui a un plan de mesures d’urgence, même dans le triangle noir [de la crise du verglas]. »

À Saint-Jean-sur-Richelieu, l’une des trois villes de la Montérégie qui a délimité ce « triangle noir », le maire Alain Laplante, élu en novembre dernier, estime que la ville « a beaucoup appris de ses expériences passées ».

Le protocole d’intervention de la municipalité a été revu à la suite de la crise du verglas et une nouvelle fois après les inondations de 2011. « Le but est de ne pas être pris au dépourvu », affirme-t-il.

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