La philosophie au collégial, dans l’avenir

Véronique Grenier et Mariève Mauger-Lavigne Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial 50 ans de philosophie au collégial

Comme enseignantes, précaires enseignantes, nous n’avons pas été habituées à cela, voir au-delà de l’horizon. D’une tâche à l’autre, d’une session à l’autre. D’un vais-je travailler à l’autre, il y a eu peu de place pour se permettre de regarder au-delà des plans de cours, des contenus à rendre digestes, de la classe, des réunions, des étudiants, évidemment.

Au travers de ce tourbillon, des instants, parfois, où on aurait toutefois un goût d’autre chose.
 

Véronique Grenier

La première qui vient en tête, c’est de lui poser un avenir, à la philosophie au collégial. Un certain. Qu’elle ne soit plus une discipline à défendre constamment, dont il faille périodiquement rappeler la nécessité parce qu’elle serait rendue éclatante, cette nécessité. La formation générale au collégial devenue un intouchable, une décision prise pour le long terme : la philosophie y serait bien vivante, au coeur de son institution, et là pour de bon. Ne plus avoir cette lutte à mener, au gré des gouvernements qui vont et viennent et passent. Et qui menacent cet accès, si récent, aux outils qui permettent de penser large.

On aurait envie de se souhaiter de ravoir un quatrième cours obligatoire. D’entendre des excuses, même, de l’avoir enlevé jadis. Parce que les défis à notre humanité seront nombreux, c’est dans l’air du temps, de la terre, des océans. Nous aurons besoin de toutes ces heures de cours et de ces espaces à l’intérieur desquels les étudiants apprennent à se saisir d’objets complexes pour les regarder, les analyser, voir les liens, les réfléchir. Nous serons rassurées d’être entourées d’individus capables d’innovation et d’agir des solutions parce qu’ils auront appris que le réel et les idées s’entremêlent et se nourrissent.
 

Mariève Mauger-Lavigne

On croit aussi que la classe de philosophie du futur n’est pas nécessairement celle remplie de nouvelles technologies, de configurations ergonomiques et de chaises qui volent. Certes, c’est une possibilité. Mais nous la rêvons surtout pleine d’humains encore sensibles et réceptifs aux mots, aux textes, aux échanges. À l’enseignement qui ne sent pas obligé de passer par des écrans. Nous espérons que les ouvrages lus et les philosophes abordés rendent compte de la diversité (femmes, personnes racisées, autochtones, transgenres) et que, ce faisant, le monde de la rationalité et des idées sera enfin vu comme celui auquel « tout le monde » a déjà contribué et auquel tous et toutes peuvent prendre part.

L’avenir est un territoire à défricher, c’est sans doute pour ça qu’on se permet d’y rêver plus facilement, d’y poser un meilleur que le maintenant, que tout semble pouvoir s’y faire. La liste de ce que nous aimerions voir pour le futur de la philosophie au collégial aurait pu se dérouler pendant un moment encore. Nous ne pouvons toutefois passer sous silence le fait que cet exercice nous a constamment ramenées au fait que nous sommes tellement habituées à la penser dans une vision limitée, comme des acquis à ne pas perdre, que la rêver et la projeter, la voir autre, ou telle que nous la voudrions vraiment exigent un effort particulier de l’imagination. Comme si nous n’avions même pas tellement le droit de penser son futur. Surtout son mieux. Bref. On se souhaite de garder le souffle fort, dans le tremblement de la précarité, pour continuer de parler de Socrate, d’Arendt, de Machiavel, de Nussbaum, de Descartes et de Bell Hooks avec nos groupes tout en luttant pour ce meilleur. D’un cours à l’autre. D’une session à l’autre.

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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