

Le bâtonnier du Québec le disait lui-même la semaine dernière: le système de justice «offre peu de souplesse aux...
La vague de dénonciations des agresseurs sexuels a commencé sur l’Olympe hollywoodien, en Californie, avec l’affaire Weinstein, a traversé l’Amérique, puis frappé l’Europe et le monde comme un tsunami. Au passage, ici, elle a fait couler à pic Éric Salvail, puis Gilbert Rozon et d’autres figures des industries culturelles.
Ses effets se sont fait sentir jusqu’au lointain Danemark, quand l’artiste islandaise Björk a rejoint la campagne gazouillante #MeToo pour reprocher à « un réalisateur danois » (sans le nommer) de l’avoir agressée sexuellement. Ainsi épinglé, le réalisateur danois Lars Von Trier, avec qui elle a tourné Dancer in the Dark (2000), son seul film, a nié fermement les reproches.
« Dans notre pays, le mouvement #MeToo a d’abord été porté par des stars, comme à Hollywood, des femmes célèbres que l’on voit comme des privilégiées, riches, en situation de pouvoir », explique en entrevue au Devoir Helena G. Hansen, auteure et membre du comité directeur du Dansk Kvindesamfund (DK), la Société des femmes danoises. « Il y a quelques jours, l’actrice Connie Nielsen [Gladiator] a fait sa propre sortie pour révéler ses expériences de harcèlement. Elle a “tweeté” et écrit à ce sujet. »
Ces femmes connues ont attiré l’attention des médias et utilisé leurs plateformes pour s’exprimer. Elles ont encouragé d’autres femmes à se joindre au mouvement #MeToo, au Danemark comme ailleurs. Le mot-clic a déjà été repris entre 12 et 15 millions de fois dans le monde, fait remarquer Mme Hansen.
La DK est la plus ancienne organisation de défense des droits des femmes encore en activité. Fondée en 1871 par le couple Bajer (Mathilde et Fredrik), elle publie depuis 1885 Kvinden Samfundet (Femmes et sociétés), la plus vieille revue féministe au monde.
Les racines du féminisme et les revendications identitaires plongent profondément dans l’histoire et la société danoises, laquelle est toujours réputée pour être l’une des plus exemplaires du monde de ce point de vue.
La réputation est-elle méritée ? L’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne (la FRA) a publié en 2014 une étude sur la violence contre les femmes (Violence Against Women Survey) dans les pays membres. On y apprend qu’une femme sur deux de plus de 15 ans de l’UE dit avoir déjà été agressée (frappée, bousculée, poignardée, étouffée, etc.) pendant sa vie. Plus de 3,7 millions d’Européennes se plaignaient de violences sexuelles dans la dernière année. Faut-il parler d’épidémie ?
« On peut dire que c’est un problème largement répandu [pervasive], répond en entrevue téléphonique Joanna Goodey, directrice du département de la liberté et de la justice de la FRA. Les gens au fait des recherches sur le harcèlement sexuel n’ont pas été surpris par les données de notre enquête. Le problème est étudié depuis des années. Dans les 12 mois précédant l’enquête, une femme sur cinq avait subi du harcèlement. »
Elle explique que ces données sont élevées parce que les questions ne portaient pas seulement sur la situation au travail. Les femmes interviewées ont donc été interrogées par exemple sur des baisers ou des attouchements non désirés dans la rue, par exemple, ou sur la réception de photos explicites, en fait sur 11 catégories de comportement.
L’enquête continentale réalisée auprès de 42 000 femmes révèle aussi que la Suède et le Danemark arrivent en haut de la liste des pays harceleurs. Ainsi, plus de Danoises (32 %) que d’autres Européennes (22 %) disent avoir subi une violence physique ou sexuelle de la part d’un partenaire.
« Des enquêtes dans les pays scandinaves ont montré les mêmes résultats que les nôtres,dit encore Mme Goodey. Une explication dit que, dans les pays scandinaves, les femmes parlent ouvertement de ces problèmes, sans honte ni gêne. En Bulgarie, par contre, elles parlent moins ouvertement de ce genre de problème. »
Helena G. Hansen explique que la Société des femmes danoises DK n’a pas contesté les données de l’UE. « Nous avons appuyé le rapport, très bien fait. Des gens nous disent qu’on ne peut pas faire pire, du point de vue du harcèlement, que la Pologne ou l’Italie. On se croit plus égalitaires, plus libres. L’égalité, c’est un processus en évolution. »
Des enquêtes établissent aussi des liens entre l’éducation et le harcèlement. D’un côté, plus les femmes d’un pays sont éduquées, plus elles dénoncent les agressions. D’un autre côté, plus une femme est éduquée et « fait carrière », plus elle semble susceptible d’être harcelée, parce qu’elle se retrouve alors dans un milieu traditionnellement occupé par des hommes, et donc à plus haut risque. Misère…
« Un haut niveau d’égalité des sexes, mais aussi des revenus, avec un accès facilité à l’éducation et aux services sociaux, joue un rôle évident dans ce contexte », commente Mme Hansen. Elle cite le professeur britannique d’épidémiologie sociale Richard Wilkinson, coauteur avec Kate Pickett de The Spirit Level (2009), développant l’idée que les sociétés redistribuant plus équitablement la richesse ont moins de problèmes sociaux comme la violence, l’abus de drogues ou les maladies mentales.
« Les sociétés égalitaires font mieux, dit-elle. Au Danemark, nous avons une longue histoire de lutte pour les droits des femmes. Pourtant, ici aussi, dans une des sociétés les plus égalitaires du monde, nous sommes encore confrontés à la violence contre les femmes, au harcèlement sexuel, au viol. »
Le bâtonnier du Québec le disait lui-même la semaine dernière: le système de justice «offre peu de souplesse aux...
Mettre fin à des années de souffrance en silence.
Pour que justice soit vraiment rendue.
Le droit de travailler en paix et en sécurité.
Une Danoise sur deux dit avoir été violentée par un partenaire.