MT-Lab , un incubateur pour stimuler l’innovation en tourisme

Ce texte fait partie du cahier spécial Tourisme d'affaires
L’industrie touristique n’était pas sur l’écran radar de la jeune entreprise Merinio à ses débuts. Ses fondateurs, des ingénieurs, avaient mis au point pour le secteur manufacturier un système automatisé de gestion des listes de rappel des employés, afin de réduire à quelques minutes une tâche de plusieurs heures. En 2016, elle a trouvé son premier client : La Ronde. L’été dernier, le parc d’attractions a poursuivi la deuxième phase d’implantation de son système, tandis qu’Aéroports de Montréal a amorcé un projet-pilote avec la PME.
Sa technologie répond aux fluctuations extrêmes en besoin de main-d’oeuvre enregistrées au gré des jours, des saisons, des événements et de la météo par un grand pan de ce secteur. « C’est quelque chose qu’on ne savait pas, parce qu’on ne venait pas du tourisme », raconte Francis Villiard, responsable du développement commercial de l’entreprise.
Merinio a été sélectionnée dans la première cohorte du MT Lab. Cet incubateur, mis sur pied par l’École des sciences de la gestion (ESG) de l’UQAM, Tourisme Montréal et la Ville de Montréal, a pour mission d’accompagner des entreprises susceptibles de proposer des solutions novatrices dans le domaine du tourisme, de la culture et du divertissement. Pour Merinio, il s’agit d’une occasion de consulter des experts de ce milieu, afin de mieux comprendre ce marché. Pour le MT Lab, le but est de mailler son client avec d’autres joueurs de l’industrie, afin d’insuffler de l’innovation dans ce secteur d’activité.
Start Up Open House
« Le monde du tourisme se tient et se connaît. Si on fait entrer de nouveaux joueurs, il va y avoir de nouvelles idées, il va se passer quelque chose », prédit Martin Lessard, directeur général du MT Lab, dans son bureau au septième étage du pavillon des sciences biologiques de l’UQAM. Autour, ça bourdonne d’activités dans les locaux récemment aménagés de l’incubateur, éclairés par une lumière naturelle entrant par de larges fenêtres. Les huit entreprises, incubées pendant environ neuf mois au MT Lab, participent, en ce 28 septembre, au Start Up Open House, une journée durant laquelle toutes les jeunes pousses ouvrent leurs portes sur le territoire montréalais.
Paul Arseneault, titulaire de la Chaire de tourisme Transat à l’ESG-UQAM et vice-président du conseil d’administration du MT Lab, espère que ces jeunes pousses, comme Merinio, rendront le secteur touristique « plus efficace ». Il souligne que, dans cette industrie, « l’innovation ne fait pas partie des moeurs ». Les hôtels, entre autres, sont trop accaparés par la gestion à la petite semaine pour s’arrêter et revoir leurs façons de faire.
À défaut de trouver du temps pour réaliser de la recherche et du développement à l’interne, les organisations peuvent saisir des nouveautés sorties « du champ gauche », proposées par de jeunes entrepreneurs, illustre Martin Lessard. « Il ne faut pas espérer que ça vienne tout seul. Il faut le provoquer », précise-t-il. C’est là que son incubateur entre en scène. « Les innovateurs vont lancer des entreprises pour aller vers des domaines qui fonctionnent, ajoute-t-il. Si le tourisme ne dit pas “il y a des opportunités ici” », les innovateurs iront ailleurs. »
Inspiré de Paris
L’idée du MT Lab a germé en 2015 lors d’une mission commerciale à Paris organisée par Tourisme Montréal et à laquelle participaient l’ESG UQAM et la Ville de Montréal. La visite du Welcome City Lab, un incubateur de jeunes pousses du secteur touristique, les a inspirés. La Ville de Montréal a mis à leur disposition 200 000 $ pour démarrer ici une formule similaire.
De grosses pointures se sont rapidement jointes comme partenaires. Aéroports de Montréal, Air Canada, l’Alliance de l’industrie touristique du Québec, l’Institut du tourisme et d’hôtellerie du Québec (ITHQ), Loto-Québec et la Société des établissements de plein air du Québec (SEPAQ) ont contribué à une enveloppe de 50 000 $ pour les opérations et ont promis d’ouvrir leurs portes aux jeunes pousses sélectionnées. Soixante-dix-huit entreprises ont répondu à l’appel de candidatures, lancé en mars dernier. « À l’aube de mes 50 ans, je n’ai jamais vu quelque chose aller aussi vite, assure Paul Arseneault. Il fallait à la fois des partenaires et des start-up convaincus. Ça répondait donc à un besoin. »
Les grandes organisations touristiques partenaires avaient leur mot à dire dans la sélection des huit entreprises. Pour cette première cohorte, la priorité a été accordée à de jeunes pousses dont les solutions pouvaient affiner la connaissance des clients, proposer de nouvelles approches dans les processus d’affaires ou enrichir l’expérience des parcours touristiques.
C’est dans ce dernier créneau que travaille Magnéto, un organisme sans but lucratif spécialisé dans la baladodiffusion et la création sonore. Cette société a postulé au MT Lab pour entrer en communication avec des clients potentiels, puisque son modèle d’affaires prévoit des créations sur commande, afin de ne pas dépendre des subventions gouvernementales. « Au stade de développement où l’on est rendus, on a besoin d’aide pour nous mettre en contact avec les bonnes personnes pour faire arriver des choses », explique Zoé Gagnon Paquin, cofondatrice de Magnéto. Au-delà du réseau de contacts déverrouillé par l’incubateur, elle se réjouit de l’accompagnement qu’elle reçoit depuis quelques semaines, notamment à travers des formations. « Ils ont pris le temps de décortiquer où on en était, et toutes les suggestions qu’ils nous ont faites étaient sur mesure. »
L’accompagnent du MT Lab vise à améliorer chez les entreprises en démarrage leur connaissance de l’écosystème touristique, leur compréhension de la proposition de valeur dans ce domaine, leur mise en marché et leurs présentations pour vendre leurs concepts.
Ruissellement
M ta région, une entreprise de Joliette aussi incubée au MT Lab, espère que cette démarche lui permettra de prendre du recul. La PME, fondée il y a trois ans, a développé des guides papier et virtuels d’achat local avec un modèle d’affaires à contre-courant : plutôt que de refiler la facture aux commerces désireux d’obtenir une visibilité, ce sont les clients, avides de découvrir restaurants, boutiques ou loisirs offerts dans leur région, qui payent. Forte de son succès dans Lanaudière, l’entreprise vient d’étendre ses activités dans sept autres régions du Québec. « Le MT Lab va nous permettre de savoir un peu mieux comment on peut se donner nous-mêmes de la visibilité », souligne Manuela Brun, spécialiste en recherche et développement de partenariat à M ta région.
Martin Lessard le reconnaît : son incubateur ne donnera pas naissance au prochain Facebook. Mais les partenaires espèrent qu’il apportera un vent de fraîcheur au sein de leurs organisations. Ces dernières auront d’ailleurs chacune droit à un « démo day », soit une journée où des jeunes pousses proposeront des solutions à leurs préoccupations précises. Et M. Lessard espère que ces transformations ruisselleront ensuite jusqu’aux petites organisations touristiques. « Ce sont juste de petits pas qui feront que l’écosystème aura appris à dire :“J’accepte ce qui est nouveau et je vais le tester.” » Une dynamique qui, espère-t-il, fera « boule de neige ».
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