Loto-Québec mise sur les jeunes adultes

Aux prises avec une baisse de ses revenus depuis une décennie, Loto-Québec espère attirer davantage les jeunes adultes pour renflouer les coffres, selon ce qui se dégage de son Plan stratégique 2017-2020. La société d’État souhaite notamment miser sur le jeu en ligne, qui séduit davantage ces clients potentiels, qui sont aussi vulnérables aux problèmes de jeu pathologique.
Dans le document de 50 pages publié jeudi, Loto-Québec constate sans détour que « les adultes âgés de 18 à 34 ans sont sous-représentés parmi nos consommateurs ». Or, « dans une optique de renouvellement de notre clientèle, nous devons nous assurer que notre offre interpelle également les jeunes adultes ».
Le directeur général des affaires publiques, Pascal Lavoie, a toutefois voulu nuancer le langage utilisé dans ce plan truffé de photos de jeunes adultes tout sourire. « Je ne veux pas dire qu’on souhaite précisément attirer une clientèle de 18-34 ans, mais c’est certain que de façon générale, on essaie toujours de se réinventer pour être le plus intéressant possible », a-t-il fait valoir en entrevue au Devoir.
« On n’indique pas dans le plan qu’on souhaite intéresser les jeunes, mais dans nos comités de travail, on les appelle les “clients de demain”», a ajouté M. Lavoie. « Il y a un comité de travail formé de tous les secteurs de l’entreprise qui s’appelle “les clients de demain”. C’est dans ce contexte qu’on travaille ensemble pour bonifier notre offre. »
Loto-Québec reconnaît d’ailleurs que « la compréhension des attentes des consommateurs d’aujourd’hui et de demain représente un défi », notamment pour les entreprises qui offrent des services de divertissement ou de jeu. « Nous demeurons aussi à l’affût des tendances afin de répondre aux attentes de la clientèle future. »
Le Plan stratégique évoque ainsi directement le développement accru des « jeux de hasard et d’argent » en ligne, une catégorie de jeu qui séduit particulièrement les générations montantes, selon les données disponibles sur le phénomène. Loto-Québec souligne toutefois qu’une « importante part du marché » échappe toujours au contrôle de Loto-Québec, en raison de la prolifération des sites illégaux.
La société d’État se dit cependant certaine de pouvoir reprendre le contrôle sur ce secteur. « La nouvelle loi sur le filtrage des sites illégaux permettra justement de mieux canaliser et encadrer l’offre de jeu en ligne dans un souci de santé publique et de protection du consommateur », peut-on lire dans le document publié sur le site de l’Assemblée nationale.
Cet enjeu est d’autant plus important que le secteur du jeu en ligne est en pleine croissance. Selon les données inscrites dans le Plan stratégique, les revenus provenant du jeu en ligne sont passés de 19 millions de dollars en 2011-2012 à 66 millions de dollars en 2015-2016.
Casinos festifs
Loto-Québec mise aussi beaucoup sur des changements dans ses casinos pour renouveler sa clientèle. « Le visage de nos établissements, surtout celui de nos casinos urbains, a beaucoup changé », a fait valoir M. Lavoie, en soulignant que les vendredis et les samedis soir, par exemple, le climat se veut « festif », avec la possibilité de voir des spectacles ou de danser.
En clair, résume-t-il, « on veut mettre du divertissement dans le jeu et du jeu dans le divertissement ». Une orientation qui cadre avec des données de Statistique Canada qui indiquent que, de 2008 à 2015, les dépenses au Québec en loisirs et culture ont augmenté de 5,5 %, tandis que celles en jeux de hasard ont diminué de 7,3 %. « C’est une préoccupation d’aller intéresser une nouvelle clientèle à notre offre de produits, mais tout en favorisant la commercialisation responsable », selon le directeur général des affaires publiques.
L’entreprise compte même revoir « l’expérience de machines à sous en casino », et ce, « afin de l’adapter davantage aux attentes de la clientèle actuelle et future ». On promet une « expérience dynamisée », mais aussi « des expériences ludiques et variées », notamment « grâce à l’apport de la technologie ».
Pour Loto-Québec, la recherche de nouveaux clients est d’autant plus importante que les revenus des dernières années ont chuté de façon considérable. Selon une étude de la Direction régionale de santé publique de Montréal publiée en janvier dernier, les revenus des jeux de hasard et d’argent sont passés de 4,7 milliards de dollars en 2006 à 3,5 milliards de dollars en 2016, en dollars constants. Ce même rapport constate un recul de la participation de la population adulte du Québec.
Vulnérables
Dans ce contexte, a expliqué une source bien au fait du dossier, Loto-Québec doit trouver des façons de renverser cette tendance à la baisse, donc de rendre son image plus « cool » pour attirer les jeunes adultes. Il faut dire que la société d’État représente une importante source de revenus pour les coffres de l’État. Pour l’année 2015-2016, elle a versé un dividende de 1,2 milliard au gouvernement du Québec.
Sans vouloir se prononcer sur le Plan stratégique 2017-2020, la directrice générale du Centre québécois de lutte aux dépendances, Anne Elizabeth Lapointe, a tout de même rappelé que les jeunes sont vulnérables à l’attrait des jeux de hasard et d’argent. « Nos jeunes sont en développement, donc si le cerveau n’est pas arrivé à maturité pour la consommation de cannabis à 25 ou 30 ans, il ne l’est pas plus pour le jeu. »
« Les jeunes sont à risque parce qu’ils ont le goût du risque, a-t-elle ajouté. Ils se sentent invincibles et subissent parfois la pression des pairs. On constate aussi parfois une absence de compréhension des conséquences à moyen et à long terme. » Mme Lapointe a d’ailleurs souligné que les téléphones intelligents facilitent grandement l’accès au jeu en ligne. « Cette accessibilité accrue place tout le monde davantage à risque. »