Un pont couvert de 120 ans enlevé par le ministère des Transports

À Saint-Anaclet-de-Lessard, non loin de Rimouski, un pont couvert de 120 ans vient d’être enlevé par le ministère des Transports pour faire place à une nouvelle structure, plus conforme aux besoins des lourdes charges des véhicules d’aujourd’hui. Mais qu’advient-il de cette structure dont il reste moins de 90 exemples au Québec ?
La municipalité aurait souhaité pouvoir conserver ce vieux pont historique dans son environnement d’origine, soit sur la rivière Neigette. Elle a dû se résoudre à acheter un petit terrain pour le supporter, faute d’avoir reçu le soutien du gouvernement pour en assurer la préservation.
Une charge
Alain Lapierre, directeur général de la municipalité, regrette que le pont ne puisse pas être préservé dans son état d’origine. « C’est sûr qu’on aurait aimé le garder. Mais on ne pouvait pas remettre le pont sur la rivière à cause des frais. »
En remplaçant ce pont patrimonial par une structure moderne, le ministère des Transports s’est délesté du même coup entièrement de sa responsabilité à l’égard de la vieille structure patrimoniale. Le pont couvert centenaire sera désormais présenté dans un terrain vague, près de la rivière. « C’est un genre de stationnement », précise le porte-parole du ministère des Transports, Guillaume Paradis. Pourquoi ne pas s’être arrangé pour conserver le vieux pont sur la rivière ? « Tout est analysé. Dans certains cas, ça peut être le fait de l’impact visuel du nouveau pont sur l’ancien » ou encore « une question de débit de la rivière ». Mais le ministère n’a pas été en mesure de fournir des explications précises au Devoir pour justifier sa décision en ce qui concerne ce pont. Son porte-parole soutient néanmoins, sans plus de précision, que « c’est la meilleure décision ».
Au Québec, les ponts couverts apparaissent à la charnière du XVIIIe et du XIXe siècle, sous le Régime anglais. Il en existe plusieurs types, selon la charpente et les moyens utilisés. Le Québec en a compté plus de 1000. Il en reste environ 80, selon les spécialistes.
La responsabilité du pont patrimonial de la rivière Neigette repose donc entièrement sur les épaules de la municipalité, explique Alain Lapierre, le directeur général de Saint-Anaclet. « Le ministère n’avait pas d’argent. Ça coûtait environ 600 000 $ pour l’installer ailleurs sur la rivière. » Pourtant, selon une photo aérienne des travaux fournie par la Ville, n’y avait-il pas moyen de laisser le pont à son emplacement et de construire le nouveau juste à côté ? « Il aurait fallu que le ministère des Transports refasse un bout du chemin. Et ils nous laissaient quand même la charge complète du vieux pont ensuite. On n’avait pas les moyens. » La petite municipalité de Saint-Anaclet-de-Lessard compte 3200 habitants.
Des risques
Pascal Conner est un des spécialistes des ponts couverts au Québec. Des ponts couverts authentiques, dit-il, il n’en reste qu’environ 80. Le pont de la rivière Neigette faisait jusqu’ici partie de ce lot des rares structures préservées.
« C’est sûr que ce n’est pas l’idéal de dénaturer un ouvrage comme celui-là, explique Pascal Conner au Devoir. En Beauce, par exemple, le pont Bolduc a été tassé, mais on l’a laissé sur l’eau. Un pont, ça va sur une rivière… Et maintenant, qui va payer pour l’entretien et la protection de celui-là ? J’ai vu des cas pareils où très vite le pont n’était plus qu’un tas de planches. C’est vrai qu’il n’a pas été détruit, mais… »
Sur le site Internet de la municipalité de Saint-Anaclet-de-Lessard, ce pont couvert comptait jusqu’ici au nombre des quelques « attraits » sur lesquels misait la municipalité pour faire valoir ses charmes.