Assurance-emploi: le système d’appel annule plus de décisions qu’avant

Souvent contesté, le système d’appel de l’assurance-emploi introduit en 2013 a aussi ses vertus. En s’appuyant sur des données qui indiquent que près de la moitié des utilisateurs obtiennent gain de cause après une contestation, le Comité chômage de Montréal estime que cette structure est plus efficace que l’ancienne.
« Ça marche, les chiffres sont très clairs à cet égard, soutient Pierre Céré, coordonnateur du Comité chômage de Montréal et vieux routier de la défense du droit des chômeurs. Il y a deux fois plus de contestations [qu’auparavant], et un résultat favorable au prestataire beaucoup plus important — plus du double. »
La sortie de M. Céré se fait dans le contexte où le gouvernement fédéral doit recevoir sous peu un rapport de la firme KPMG, qui a été chargée de faire une évaluation complète du Tribunal de la sécurité sociale (TSS). Le cabinet du ministre du Développement social, Jean-Yves Duclos, a déjà indiqué être prêt à faire certains changements, notamment pour répondre à la crise des délais qui touche l’organisme.
Le processus d’appel mis en place en 2013 implique d’abord une révision obligatoire, étape où la Commision de l’assurance-emploi du Canada (CAEC) réétudie le dossier qu’elle vient de rejeter. Si la décision est toujours négative, un chômeur peut alors s’adresser au TSS.
Les données officielles obtenues par Le Devoir la semaine dernière indiquent qu’il y a eu 58 200 demandes de révision en 2016-2017. Dans 38,7 % des cas (soit 22 500 décisions), la commission a infirmé la décision initiale et donné raison au chômeur. Dans les autres cas, la décision a été soit maintenue (49 %), soit maintenue mais avec des modifications (12 %).
Quelque 4100 de ces chômeurs refusés après cette première étape ont ensuite choisi de contester la décision devant le TSS. À cette dernière étape, 30 % d’entre eux ont eu gain de cause (environ 1200 personnes).
Bon an mal an depuis l’instauration du nouveau système en 2013, environ quatre personnes sur dix ont gain de cause à la révision obligatoire, alors que trois personnes sur dix parmi celles qui contestent devant le TSS obtiennent satisfaction.
Or, sous l’ancienne structure des conseils arbitraux, le nombre d’appels déposés oscillait entre 20 000 et 25 000 dans les dernières années, rappelle Pierre Céré. Et environ un chômeur sur cinq obtenait gain de cause. Soulignons qu’il n’y avait pas de révision administrative obligatoire à cette époque.
M. Céré observe que cette étape de révision permet maintenant de régler une partie importante des contestations, ce qui explique selon lui le « niveau plus bas d’appels déposés au TSS ».« Cette structure de révision administrative obligatoire fonctionne et doit demeurer, estime-t-il. Vraiment. Non seulement ça marche, mais ça participe à la déjudiciarisation du système. »
Dans son rapport de contrôle et d’évaluation de l’assurance-emploi 2015-2016 (déposé en mai 2017), la CAEC imputait à son approche le fort taux de décisions annulées ou modifiées. La marche à suivre implique qu’un agent communique avec le chômeur pour expliquer le motif du refus. Il lui demande de clarifier certaines informations, et le demandeur peut aussi soumettre de nouveaux éléments. Le chômeur n’a toutefois pas accès à son dossier, à moins de faire une demande d’accès aux renseignements personnels.
« Les répercussions de cette approche se reflètent non seulement dans le nombre de décisions annulées ou modifiées, mais également dans le faible nombre de clients qui interjettent appel devant le TSS », soutient-on.
Préoccupé
Ces forts taux de décisions annulées sont toutefois jugés préoccupants par d’autres. Dans une étude publiée fin 2016, le Mouvement autonome et solidaire des sans-emploi (MASSE, qui regroupe une quinzaine d’organisations) estimait que l’étape de la révision « manque de neutralité » et ne fait que « complexifier le processus de contestation ».
« Il est légitime de se demander comment s’est effectuée la prise de décision lors de la demande initiale », soutenait le MASSE. Celui-ci juge que l’ensemble du processus d’appel est « lent, lourd et déshumanisant ». Le regroupement fait partie de la trentaine d’organismes canadiens qui demandent une modification en profondeur du TSS.
Pierre Céré estime pour sa part qu’il « y a des ajustements importants à faire au TSS », notamment en ce qui a trait aux délais et à la possibilité qu’une demande soit rejetée sommairement. Mais ces modifications « peuvent aisément être faites », croit-il.