Le système de placement de la CCQ discriminatoire à l’égard des femmes?

À l’heure actuelle, les femmes comptent pour 1,62 % de la main-d’œuvre dans le secteur de la construction.
Photo: Getty Images À l’heure actuelle, les femmes comptent pour 1,62 % de la main-d’œuvre dans le secteur de la construction.

Le nouveau système de placement des travailleurs de la construction fait l’objet d’une enquête de la Commission des droits de la personne (CDP) pour discrimination basée sur le sexe, a appris Le Devoir.

L’enquête fait suite à une plainte déposée l’an dernier par l’organisme Action travail des femmes (ATF). Le groupe de défense des droits des femmes allègue que le système de la Commission de la construction du Québec (CCQ), qui a remplacé le placement syndical (le carnet de référence), crée une nouvelle forme de discrimination systémique envers les femmes.

« Le carnet de référence était censé favoriser l’embauche des femmes. Or ce qu’on voit, c’est qu’il autorise les employeurs à discriminer tout en étant protégés », soutient la porte-parole d’ATF, Katia Atif.

À l’heure actuelle, les femmes comptent pour 1,62 % de la main-d’oeuvre dans le secteur de la construction. Le Québec « est à la traîne par rapport au reste du Canada, où la présence des femmes est de 3 % ou plus dans les provinces », signale Mme Atif.

La porte-parole dit avoir recueilli « beaucoup » de témoignages anonymes de travailleuses. Mais une seule a accepté de déposer une plainte de concert avec ATF à la Commission. « Les autres ont énormément de craintes, parce que le milieu est très petit et qu’elles se font rapidement étiqueter. »

L’enquête a été déclenchée au printemps, signale-t-on chez Action travail des femmes. Environ la moitié des dossiers de plaintes ouverts à la Commission mènent à des enquêtes (778 sur 1575 l’an dernier). Il s’agira ensuite de savoir si le dossier sera soumis ou non au Tribunal des droits de la personne.

Un mécanisme complexe

 

Le système en cause est un carnet de référence informatique créé en 2013 pour remplacer l’ancien système de placement syndical. Les employeurs doivent y inscrire chacune des embauches qu’ils font.

La plupart du temps (87 %), les entrepreneurs recourent à des gens qu’ils connaissent déjà et n’ont qu’à signaler qui ils ont engagé.

Or ceux qui cherchent du personnel doivent puiser dans une banque de noms disponibles, banque qui est au coeur du différend dans cette affaire.

 

ATF affirme que l’outil ne devrait pas signaler les noms des candidats et candidates, mais seulement leur matricule, afin qu’on ne sache pas s’il s’agit d’un homme ou d’une femme.

Étonnamment, l’organisme reproche aussi à la banque de placer les femmes candidates en tête de liste (une mesure visant pourtant à les mettre en évidence) parce que cela contribuerait, dit-on, à donner d’elle une image négative.

Le groupe plaide enfin qu’on ne devrait pas préciser le nombre d’heures travaillées, mais plutôt le grade, parce que cela défavorise systématiquement les femmes.

Enfin, ATF recommande que les candidates aient accès à la liste d’employeurs auxquels leurs noms ont été soumis. « En anonymisant le nom de l’employeur dans son système de traitement », la CCQ « empêche l’identification des employeurs qui, de toute évidence, n’ont ni l’envie ni l’intention réelle d’embaucher des femmes », peut-on lire dans une analyse d’ATF.

Tout cela fait en sorte, croit-on, que les femmes qui commencent à travailler dans le secteur n’y restent pas. « Entre 50 et 60 % des travailleuses de la construction partent après cinq années de tentatives d’insertion dans le secteur », relève Katia Atif.

Mardi, la CCQ n’était pas joignable. On sait toutefois qu’elle avait vivement contesté les allégations d’ATF lors du dépôt de la plainte l’an dernier. Plus récemment, elle dressait un bilan positif de ses efforts pour augmenter la présence des femmes dans le secteur. « En 2016, le nombre de femmes a augmenté de près de 10 %, faisant passer la proportion de femmes actives de 1,48 % à 1,62 % », avançait-elle le 22 juillet dans un communiqué.

En 2015, la CCQ s’est donné pour objectif d’atteindre une proportion de 3 % d’ici 2024 dans le milieu grâce à une série de 40 mesures.

Enquêtes

Dossiers ouverts en 2016 à la Commission pour des motifs de discrimination

Handicap : 288

Race, origine ethnique : 176

Âge : 70

Antécédents judiciaires : 42

Sexe : 34

Source : Commission des droits de la personne


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