2000 Inuits sous la loupe de la santé publique

La plus importante enquête jamais menée sur la santé des Inuits du Grand Nord québécois prendra place au cours des prochaines semaines. Une équipe de 40 chercheurs s’apprête à monter à bord du brise-glace Amundsen, de la Garde côtière canadienne, pour aller à la rencontre de 2000 Inuits établis dans les 14 villages du Nunavik.
Le navire doit accoster le 19 août sur la rive de Kuujjuarapik, dans la baie d’Hudson. Le périple prendra fin le 5 octobre à Kuujjuaq, dans la baie d’Ungava. Durant ces sept semaines, presque 20 % des 10 700 résidants du Nunavik monteront à bord du brise-glace, où leur état de santé physique et mentale sera examiné, ont indiqué plusieurs sources au Devoir.
Cette vaste enquête de 9,2 millions de dollars fait suite à un exercice semblable mené en 2004 (auprès d’un échantillon de 1000 personnes, deux fois moins qu’en 2017), qui avait confirmé l’état de santé préoccupant des Inuits.
Les statistiques existantes montrent une série de problèmes sociaux et de santé qui frappent les résidants du Grand Nord : « Le taux élevé de suicide chez les jeunes est une tragédie insupportable. La transmission de maladies transmises sexuellement est devenue une préoccupation majeure. La tuberculose est revenue et s’attaque à certaines de nos communautés. Le Nunavik continue à subir les conséquences de la pénurie de logements adéquats. De plus, la lutte contre la violence familiale, les dépendances et l’insécurité alimentaire ne cesse de prendre de l’importance », résume un document de la Régie régionale de la santé et des services sociaux du Nunavik.
Bonnes et mauvaises nouvelles
« Cette enquête nous en apprendra beaucoup sur la santé mentale de notre population. Ce sera un puissant outil qui nous aidera à offrir des services adaptés aux besoins des gens », affirme de son côté Jobie Tukkiapik, président de la société Makivik, qui représente les intérêts des Inuits du Nunavik.
Il est préoccupé par les conséquences de la pénurie de logements — le tiers des habitations sont surpeuplées —, par la hausse du coût de la vie et par le faible niveau d’éducation — près de huit élèves sur dix ont quitté l’école avant d’avoir obtenu leur diplôme, entre les années 2008 et 2013. Le suicide a causé 19 % des décès entre 2008 et 2012.
À lire ces chiffres déprimants, on a l’impression que tout va mal, très mal, dans le Grand Nord. « Les bonnes nouvelles, c’est que notre langue et notre culture sont vivantes, et même vibrantes, dit Jobie Tukkiapik. On doit prendre conscience qu’on est capables d’avoir autant de succès que n’importe quel autre peuple dans le monde. »
Peuple en transition
La Régie régionale de la santé est responsable de cette enquête menée « par et pour les Inuits ». L’étude s’intitule Qanuilirpitaa ? — Comment allons-nous maintenant ? — en référence à l’enquête Comment allons-nous ? menée en 2004. L’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) et le Centre de recherche du CHU de Québec collaborent à l’enquête.
« La transition entre le mode de vie traditionnel et la vie d’aujourd’hui se fait très rapidement, dit la Dre Françoise Bouchard, directrice de la santé publique du Nunavik. Les impacts sont énormes pour une petite population comme celle-là. C’est un gros défi, si on considère en plus que la population du Nunavik double tous les 25 ou 30 ans. »
Le brise-glace Amundsen deviendra une véritable clinique ambulante durant cette mission hors de l’ordinaire. Les Inuits qui participent à l’étude seront transportés à bord du navire en Zodiac ou en hélicoptère. Ils seront pris en charge par une équipe de 40 personnes : médecins, infirmières, hygiénistes dentaires, interprètes, techniciens de laboratoire, professionnels de la recherche. Tous ces gens travailleront sept jours sur sept, entre huit et dix heures par jour, pour rencontrer les 2000 volontaires inuits en sept semaines.