Des services publics perçus comme des menaces

La Fédération des femmes autochtones du Québec dénonce « l’insécurité et l’angoisse » ressentie par les Premières Nations à utiliser les services publics censés les aider. « On ne voit pas les services publics comme une aide apportée aux autochtones, mais comme quelque chose de négatif. On a peur d’utiliser les services publics, on a peur de demander de l’aide. Le Directeur de la protection de la jeunesse (DPJ), ce n’est pas perçu comme un service d’aide, mais comme un enlèvement d’enfants. C’est le sentiment général dans les communautés autochtones. »
La présidente de la Fédération des femmes autochtones du Québec, Viviane Michel, était la première intervenante à témoigner à la Commission d’enquête sur les relations entre les autochtones et certains services publics, qui s’ouvrait lundi à Val d’or.
Cette commission a été annoncée en décembre dernier par le premier ministre Philippe Couillard à la suite du témoignage de plusieurs femmes autochtones qui ont dénoncé des situations d’abus et de violence policière.
Le mandat de la commission est toutefois plus large et se penchera sur « de possibles pratiques discriminatoires envers les autochtones dans le cadre de la prestation de services publics au Québec », soit les services policiers, correctionnels, de justice, de santé et de protection de la jeunesse.
Négligence
D’entrée de jeu, la présidente de la Fédération des femmes autochtones du Québec parle de « violences institutionnelles », de « pratiques discriminatoires » et de « racisme systémique » au sein de ces institutions. Elle dénonce notamment des lacunes dans la formation des futurs policiers, juristes et autres intervenants qui, souvent, agissent dans « une ignorance complète des réalités et des cultures autochtones ».
Viviane Michel cible notamment le Directeur de la protection de la jeunesse (DPJ). Elle affirme que les enfants autochtones y sont « surreprésentés » et qu’on ne reconnaît pas « les pratiques traditionnelles d’adoption » chez les Premières Nations.
« Nous voyons trop souvent des cas où des intervenants non formés sur les réalités des peuples autochtones arrivent en communauté avec leur propre interprétation de ce qui est de la négligence. Par exemple, des enfants qui jouent au parc sans surveillance parentale ont déjà été pris en charge par la DPJ. Or, cela n’est pas conforme aux pratiques et réalités autochtones où on sait que toute la communauté est responsable de veiller à la sécurité et à la protection des enfants. »
Émotive, allant jusqu’à verser quelques larmes en parlant du courage des femmes autochtones, Viviane Michel dit espérer que cette commission sera la bonne.
« On va d’enquête en enquête, de commission en commission, on fait des rapports, on fait reconnaître des faits, mais je suis saturée, j’ai besoin d’un changement social pour les nôtres, j’ai besoin que les femmes soient en sécurité, qu’elles soient crues. Il y a des défaillances dans le système : les femmes autochtones sont mises de côté, comme si elles n’en valaient pas la peine. La commission d’enquête parle de réconciliation, mais on n’est pas encore rendu là. Tant et aussi longtemps qu’on ne reconnaîtra pas ces injustices sociales, on ne pourra pas parler de réconciliation. »