Ciel, mon stationnement!

Un projet immobilier décrit comme modèle, inspiré par Stockholm et Copenhague, soulève une controverse toute nord-américaine, dans le quartier Rosemont : les résidants des rues voisines craignent de manquer d’espace pour stationner leurs voitures.
La deuxième phase du Technopôle Angus, située près de la rue Molson et de l’Avenue du Mont-Royal, est inspirée des quartiers les plus écologiques dans le monde.
Les urbanistes considèrent ce projet de 265 millions de dollars comme un modèle : les 400 logements sont faits sur mesure pour les familles de la classe moyenne. Il s’agira entièrement de logements abordables ou sociaux. Le but : freiner l’exode des jeunes familles francophones vers la banlieue.
Le quartier doit compter trois places publiques, une école, deux garderies, une grande rue piétonne. Un procédé innovateur permettra un échange thermique entre les bâtiments. L’eau de pluie sera récupérée et filtrée.
La moitié du projet sera occupée par des commerces ou des institutions qui amèneront sur les lieux 1500 travailleurs par jour — plus les clients.
La Société de développement Angus (SDA) prévoit aménager 540 places de stationnement payant, toutes souterraines. Les résidants des rues voisines craignent de manquer d’espace.
« Le stationnement est une très grande préoccupation, tant à mon niveau de résidant qu’au niveau des travailleurs qui vont venir dans le secteur aussi. Parce que c’est beau d’avoir des commerces, d’avoir un rêve utopique de créer des emplois, mais la journée où tous ces employés-là devront payer des stationnements, est-ce qu’ils vont fuir le secteur des Shops Angus pour aller travailler ailleurs ? » a résumé Gaston Tremblay, un voisin, lors d’une assemblée publique le mois dernier.
L’Office de consultation publique de Montréal (OCPM) doit tenir trois journées de consultation sur ce projet à compter de ce mardi.
Déjà, le promoteur a ramené les bâtiments résidentiels à une hauteur de six étages plutôt que huit, devant l’opposition des riverains. Ils craignaient de perdre de l’ensoleillement.
Source: Société de développement Angus
Limiter les voitures
Ce projet semble s’inspirer des meilleures pratiques en matière d’aménagement et d’urbanisme, estime Claire Poitras, professeure à l’INRS et directrice du Centre Urbanisation Culture Société. Il s’agit d’un quartier de type « transit oriented development », desservi par les transports en commun et qui héberge des logements, des commerces et des espaces de bureaux. La densité de la population et la proximité des services facilitent la vie des piétons et des cyclistes.
L’aménagement du quartier vise à décourager l’utilisation de la voiture, explique Christian Yaccarini, président et directeur général de la Société de développement Angus.
« Des riverains disent qu’ils sont venus ici pour avoir la banlieue en ville, mais ce n’est pas la banlieue : c’est un milieu urbain assez dense merci ! On est dans un quartier central de Montréal », dit-il au Devoir.
« Il faut limiter le nombre d’espaces de stationnement. Si j’offre 1000 ou 1500 places, elles seront toutes utilisées, c’est ça qui envahirait le quartier de voitures. »
La chercheuse Claire Poitras ne s’étonne pas de cette controverse. « L’obsession du stationnement est encore bien présente en Amérique du Nord,dit-elle. Les gens tiennent à leur voiture. Il y a un changement qui est en train de s’opérer, les jeunes adhèrent moins à la culture de l’automobile, mais le changement prend du temps. »
Le Conseil régional de l’environnement de Montréal, Équiterre et Piétons Québec appuient le projet, qualifié de « résolument avant-gardiste ». « Il devrait servir d’exemple pour d’autres secteurs de Montréal et même du Québec. »