Le plan Pichet risque de faire des vagues

Le Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) tente de faire peau neuve. Son chef se donne jusqu’à dix ans pour changer la culture de son service, dans un exercice qui risque — encore — de faire des vagues.
Philippe Pichet a dévoilé vendredi matin son Plan d’action pour rassurer et améliorer le lien de confiance des citoyens envers le SPVM, un document commandé par le ministère de la Sécurité publique, dans la foulée de révélations et d’allégations concernant l’écoute de journalistes et la fabrication de preuves au sein du service de police.
Au menu : 38 mesures, dont certaines ont déjà été mises en place et ont déjà causé de la « frustration », a-t-il admis. « D’après notre section recherche, changer une culture, ça prend habituellement de cinq à dix ans. Ma volonté à moi, c’est de le faire le plus rapidement possible », a-t-il assuré.
Il va y avoir des crises de différentes ampleurs, et ça va lui prendre [à M. Pichet] les outils pour y faire face
Sauf que le parcours risque d’être parsemé d’embûches, prévient Rémy Trudel, de l’École nationale d’administration publique. « C’est évident, il va y avoir des crises de différentes ampleurs, et ça va lui prendre [à M. Pichet] les outils pour faire face à ces crises-là, a-t-il dit. D’ailleurs, il y en a déjà, des guerres de gang. »
Selon lui, l’introduction d’une dimension « éthique » dans le plan d’action est une très bonne nouvelle. Pour le reste, Philippe Pichet devra avoir les coudées franches, du soutien et des échéanciers plus précis que ceux qu’il a présentés, estime le professeur invité.
Guerres de clans
Les médias ont exposé au cours des derniers mois les guerres de clans entre divers groupes d’employés du SPVM. La rivalité aurait été exploitée par des sources ou des criminels, mais aussi par des policiers, qui auraient fabriqué des preuves afin d’incriminer des collègues.
En mars seulement, Philippe Pichet a suspendu trois de ses cadres : le commandant Pascal Leclair, l’inspecteur Martin Renaud et le directeur adjoint Bernard Lamothe. Ils ont tous les trois été relevés de leurs fonctions en raison d’informations transmises à l’équipe policière mixte qui a été chargée à la fin du mois de février de faire la lumière sur les allégations criminelles qui affligent le SPVM.
Au coeur de la crise : la Division des affaires internes. C’est l’une de ses enquêtes qui a mené à l’espionnage de journalistes. Dans son plan, Philippe Pichet présente neuf mesures concernant cette division. Il demande dorénavant d’être avisé lorsque l’interception des communications d’un avocat, notaire, juge, élu ou journaliste est commandée.
En octobre, au moment des révélations concernant la surveillance du téléphone du journaliste Patrick Lagacé, Philippe Pichet a pourtant reconnu avoir été mis au courant de la manoeuvre de filature « un peu ou à peu près en même temps, quand l’outil a été utilisé ».
Un transfert au BEI ?
Toujours aux affaires internes, le chef du SPVM souhaite ajouter un contrôleur en enquête et étudie la possibilité de limiter le mandat des enquêteurs de cette section à deux ans. À long terme, ni lui ni le ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, n’écartent la possibilité de confier les enquêtes internes à un tiers, comme le Bureau des enquêtes indépendantes (BEI).
« Ce qu’on doit faire avec le SPVM [est] tel qu’on ne peut pas confier ça au BEI aujourd’hui. Mais le BEI pourrait être capable dans le futur d’en prendre une bonne partie. Et c’est ça qu’on va pouvoir envisager pour l’avenir », a déclaré le ministre Coiteux. « Si on décide de transférer [les enquêtes internes] ailleurs, dans une entité distincte, on fera ça », a aussi affirmé le patron du SPVM.
La présidente de la Commission de la sécurité publique (CSP), Anie Samson, a aussi déclaré que « la porte est ouverte [afin de] trouver le meilleur mécanisme ». Elle a par ailleurs annoncé que les séances de la CSP concernant le plan d’action du SPVM seront publiques. Mais pas celles portant sur d’autres sujets.
Pour le Parti québécois, la présentation du plan d’action arrive trop tôt. « Il y a une enquête administrative sur le SPVM en cours. Lorsque nous aurons les conclusions de cette enquête, est-ce que le plan d’action sera modifié en fonction des recommandations ? » a demandé Pascal Bérubé. « Il aurait été plus logique de mettre le service sous tutelle, le temps que l’enquête administrative fasse toute la lumière et qu’elle présente ses recommandations. »
Philippe Pichet s’est dit ouvert à modifier son plan pour répondre aux demandes de la population et des experts.