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Pendant des mois, Véronique a subi des commentaires importuns de la part d’un de ses professeurs, qui faisait des blagues déplacées, questionnait ses amis sur sa vie sexuelle. Un soir, il s’est pointé dans une fête organisée par des étudiants.
« Il était très insistant, essayait de m’embrasser. Je cherchais le contact visuel avec des amis, je cherchais toutes les occasions pour casser les moments de “ pseudo-intimité ” qu’il essayait de créer, mais il revenait toujours à la charge.
Voyez le témoignage de Véronique Pronovost
« À un moment, il m’a emmenée sur le balcon où nous étions seuls, m’a plaquée contre le mur, m’a embrassée et a mis ma main dans ses pantalons. Je suis partie sans dire “bye ” à personne. J’étais alors dans un état d’ébriété avancé. J’ai couru, et couru jusqu’à ce que je tombe sur une rue passante pour accrocher un taxi et rentrer chez moi. »
Quand elle a raconté l’agression à ses amis, ils ont minimisé l’événement, faisant valoir qu’elle avait une part de responsabilité. Véronique n’a pas porté plainte. « Je me disais : “ Qui je suis, moi, petite étudiante, pour mettre en péril la carrière d’un professeur ? ” »
Alors elle a encaissé le coup. Même si elle continuait de le croiser régulièrement dans les corridors. Il l’a même avertie qu’il ne raserait pas les murs pour elle. Alors, c’est elle qui l’a fait. C’est elle qui n’osait plus lever les yeux, elle qui se cachait dans les coins chaque fois qu’elle entendait ses pas.
« Ça me fâchait, j’avais honte de ne pas être capable de passer par-dessus ça. Je voulais arrêter d’avoir peur. J’étais rendue à me poser des défis, comme quelqu’un qui a la phobie d’une araignée, pour rester le plus longtemps possible en sa présence avant de craquer. »
Finalement, elle a décidé de quitter l’UQAM et de poursuivre ses études à l’Université d’Ottawa. « J’étais en dépression, je ressentais beaucoup de culpabilité. Malgré tout, je continuais à minimiser encore beaucoup ce que j’avais vécu. Je me disais : «“Je ne me suis pas fait violer, ce n’est pas si énorme que ça. ” »
Puis, à Ottawa, survient le stickergate à l’automne 2014. Des étudiantes placardent les portes de certains professeurs pour les accuser de harcèlement sexuel. Ça faisait déjà longtemps que Véronique avait subi son agression.
Mais tout est revenu d’un seul coup. « À ce moment-là, la petite boîte dans ma tête a explosé. J’ai lâché le doctorat, je suis revenue à Montréal et la première chose que j’ai faite, c’est de porter plainte. »
Véronique avait des craintes, mais elle a été prise au sérieux. « À ce moment-là, il faut dire qu’ils n’avaient plus le choix, c’était devenu une affaire de relations publiques. Ils m’ont dit qu’ils allaient faire ça vite. »
Neuf mois plus tard, on lui remet un rapport d’enquête attestant qu’elle a été victime de harcèlement sexuel. « On m’a dit : “ Bravo, tu as gagné, mais tu ne sauras jamais quelles sont les sanctions. ” J’étais en colère, je ressentais un grand sentiment d’injustice et d’incompréhension. »
Véronique réalise alors la portée de l’entente de confidentialité qu’elle a signée. Elle n’a pas le droit de parler des faits, pas le droit de faire des démarches pour trouver d’autres victimes et aucune possibilité d’en appeler de cette décision. « Ces ententes-là, ça dépossède entièrement la victime de son vécu. »
Il y a quelques semaines, Véronique a rencontré son agresseur dans l’ascenseur. Elle a été prise de panique. « Il va toujours avoir une prise sur moi », admet-elle.
Pourtant, ce n’est pas tellement à lui qu’à la direction de l’université qu’elle en veut. « J’ai fait ce que j’avais à faire contre ce professeur. Là, ce qui me reste comme rage, c’est de faire changer ce maudit processus. Ça n’a aucun sens. [...] J’ai porté plainte pour protéger la prochaine génération d’étudiantes, mais si ce n’est jamais connu par personne, tu ne protèges personne. J’ai fait ça pour quoi ? Je n’ai aucun sentiment de justice. Et pourtant, j’ai gagné… »
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