Ethel Stark, créer son orchestre pour pouvoir tenir la baguette

Photo: Bibliothèque et Archives nationales du Québec Ethel Stark

Le changement de nom du parc Claude-Jutra, devenu parc Ethel-Stark en juin dernier, a attiré l’attention sur cette pionnière, violoniste virtuose, née à Montréal en 1910 et fondatrice en 1940, avec la mécène Madge Bowen, de la Symphonie féminine de Montréal, premier orchestre symphonique féminin créé au Canada.

Ethel Stark dirigera cet ensemble pendant 28 ans et l’amènera en 1947 au Carnegie Hall. La Symphonie féminine de Montréal fut ainsi le premier orchestre canadien à se produire dans la mythique salle new-yorkaise.

Ethel Stark, formée à la direction pendant ces études au Curtis Institute of Music de Philadelphie, avait déjà connu l’aventure de la création d’un orchestre féminin à New York, entre 1938 et 1940, avec le New York Women’s Chamber Orchestra. La ville disposait déjà d’un Orchestre symphonique féminin créé en 1934 par Antonia Brico (1902-1989).

Les premiers soubresauts d’une féminisation possible du métier de chef d’orchestre étaient dans l’air du temps au début des années 1930. Créer un orchestre féminin était à l’époque un moyen non seulement pour les femmes tentées par la direction d’orchestre de pouvoir exercer leur passion, mais aussi pour les musiciennes de jouer publiquement des instruments jugés « masculins », comme le violoncelle ou la trompette.

La lame de fond avait été amorcée par la pianiste, compositrice et chef Ethel Leginska (1886-1970), première femme à diriger le Philharmonique de New York (1925), qui, entre 1924 et 1932, lança des orchestres féminins à Chicago, à Boston et à Washington. Pour la petite histoire, cette même Leginska avait été appelée à Montréal par le ténor et administrateur Albert Clerck-Jeannotte pour tenter de relancer, en 1933, la Compagnie d’opéra de Montréal, fondée en 1910. Elle devait s’y produire pendant deux semaines, mais dut arrêter après la première, où Louise, Thaïs et Werther avaient été montrés. Mais Leginska fut assurément un modèle inspirant pour Ethel Stark.

Stark s’inscrit activement dans un mouvement qui gagna aussi l’Europe, où la pionnière fut Jeanne Chevallier (1893-1984), épouse du fameux violoniste Gaston Poulet, qui, ayant pris à partir de 1930 le pseudonyme de Jane Evrard, créa l’Orchestre féminin de Paris. Le célèbre critique Émile Vuillermoz écrivit alors sur cette « initiative intelligente et raisonnée » : « Jane Evrard pose franchement le problème de la main-d’oeuvre féminine dans la musique d’ensemble. Voici un geste honnête et courageux. »

Ethel Stark fit de même ici. Elle dirigea la Symphonie féminine jusque dans les années 1960 et enseigna au Conservatoire de musique du Québec à Montréal, ville où elle est décédée en 2012.



À voir en vidéo

Consultez la suite du dossier