Une militante iranienne implore le Canada de ne pas l’expulser

À une semaine de son expulsion, une Iranienne arrivée au Canada en 2012 implore le gouvernement de ne pas la renvoyer dans son pays, où elle dit risquer la torture et même la mort. Ayant contesté cette décision, elle demande au ministre de la Sécurité publique, Ralph Goodale, de surseoir à son renvoi, prévu le 28 février prochain, afin qu’elle ait le temps de se faire entendre devant un juge.
L’air abattu, Roghayeh Azizi Mirmahaleh, âgée de 60 ans, tient très fort la main de sa fille Sahar. « Je crains pour ma propre sécurité, mais j’imagine avec horreur l’impact que ça va avoir sur ma fille », a-t-elle déclaré aux médias, accompagnée du député de Québec solidaire Amir Khadir, qui assure la traduction. « Ne me séparez pas encore de ma mère », a dit à son tour sa fille, qui étudie au postdoctorat à l’Université McGill.
Emprisonnement et torture
Enseignante au primaire, Mme Azizi militait aussi pour les droits des femmes et des enfants au sein de Mujahedin du peuple, une organisation que le Canada avait mise sur sa liste d’organisations terroristes, avant de la retirer il y a quelques années.
À la fin des années 1980, Mme Azizi a été emprisonnée et torturée, avec son mari, par les autorités iraniennes et a dû confier sa fille, encore bébé, à sa grand-mère. Elle a été libérée après avoir passé trois ans en prison, mais son mari, qui purgeait une peine de dix ans, a été exécuté.
Les années qui ont suivi ont été un enfer : intimidation, surveillance constante, difficulté à se trouver un emploi. Malgré tout, sa fille parvient à faire des études et s’installe à Montréal en 2011 pour son doctorat en physique.
Dix mois plus tard, Mme Azizi arrive à son tour avec un visa de visiteur. La demande d’asile qu’elle dépose alors lui est refusée, sous prétexte qu’elle a déjà fait partie d’une organisation qui a figuré sur la liste noire du Canada. « Mais la définition de [ce qu’est un membre] est tellement large », déplore Me Richard Goldman, de la Table de concertation des organismes au service des réfugiés et immigrants (TCRI). Une personne peut être refusée parce qu’elle a été membre d’une organisation « qui est, a été, ou sera un jour » l’auteur d’un acte terroriste. À ce compte-là, fait remarquer l’avocat, même Nelson Mandela aurait été interdit de séjour au Canada.
Un traitement injuste
N’ayant pas droit de demander le statut de résident permanent pour motifs humanitaires, cette Iranienne s’est donc rabattue sur l’unique solution de remplacement : une demande d’examen des risques avant renvoi (ERAR). Refusée, elle aussi. « On nous a dit qu’elle n’avait plus à craindre la persécution et la torture », a indiqué Me Stéphanie Valois, son avocate. Mme Azizi n’aurait pas non plus fait la preuve que les autorités iraniennes sont au courant des activités de militantisme antirégime auxquelles elle participe depuis son arrivée au Canada. « Normalement, si on doute de la crédibilité d’une personne, elle doit pouvoir être entendue par un agent », ce qui n’a pas été fait, a déploré Me Valois.
Se gardant de commenter les cas particuliers, l’attaché de presse du ministre de la Sécurité publique indique que « la décision de renvoyer une personne n’est pas prise à la légère ». « Il y a des manières d’en appeler devant les tribunaux, mais quand ces moyens sont épuisés, il faut respecter le renvoi »,ajoute Scott Bardsley.