Foules records aux portes ouvertes des mosquées de Montréal

Pourquoi les musulmans s’inclinent-ils au point où leur tête touche le sol pendant la prière ?
Il y avait une réponse à cette question, et à bien d’autres plus essentielles, lors de la journée portes ouvertes des mosquées de Montréal, à laquelle a participé dimanche un nombre record de curieux.
Ils étaient donc là pour s’informer sur l’islam, mais aussi pour exprimer leur solidarité et leurs condoléances aux musulmans du Québec, frappés en plein coeur le 29 janvier, quand six des leurs ont été tués par balles pendant la prière du soir organisée dans une mosquée de Sainte-Foy.
À la mosquée Assuna Annabawiyah, dans le quartier Parc-Extension, le président du Conseil musulman de Montréal (CMM) évoquait une foule monstre. « Nous n’avons pas de décompte précis, mais nous avons été très occupés. Environ 350 personnes sont venues. Ou peut-être même 500, ou 550 ! » a lancé Salam Elmenyawi. Le CMM a organisé une première journée portes ouvertes en 2000. L’année suivante, celle des attentats du 11-Septembre, l’idée d’en faire un événement annuel s’est imposée. « Avec le choc de 2001, on s’est dit : il faut continuer », a-t-il rapporté.

Foule de curieux
En tout, 14 mosquées de Montréal et de la Rive-Sud ont ouvert leurs portes au public. À la mosquée Khadijah de Pointe-Saint-Charles, la foule était hétéroclite : homogène ni par sa religion, ni par sa couleur de peau. Ici, la moitié des visiteurs n’étaient pas musulmans, a rapporté le fondateur du lieu de culte, Fazle Elahi Ashek Ahmad.
Lui aussi évoquait le nombre de 500 visiteurs. « On a manqué de nourriture, a-t-il lancé lors du passage du Devoir, dont les journalistes se sont pourtant fait offrir à manger à maintes reprises. C’est clairement lié à ce qui s’est passé à Québec », a-t-il réagi.
Shaun Lynch et Avi Gross-Grand, respectivement catholique et juif, l’ont confirmé. « C’est la première fois de ma vie que j’entre dans une mosquée. Avec tout ce qui s’est passé récemment, j’ai pensé que ce serait une bonne idée de venir voir, de venir rencontrer la communauté musulmane, de la connaître un peu plus », a affirmé le premier.
« L’idée d’avoir ce type de violence dans un espace de prière, de retourner avec de la peur dans un espace de prière, ça m’affecte beaucoup », a dit le second. Depuis l’épisode de la Charte des valeurs québécoises, Avi Gross-Grand y « pense à deux fois » avant de mettre sa kippa. « Qu’on ne laisse pas l’État et les politiciens nous diviser, créer des structures qui avantagent certains au détriment d’autres. […] Je souhaite un avenir où on comprend que les frontières sont créées par les hommes », a-t-il déclaré.
À l’unisson
Mohammed Nabi, un fidèle de 27 ans qui fréquente la mosquée Khadijah, est allé dans le même sens. « La Charte a fait des divisions, n’a pas forcé les gens à se serrer la main, n’a pas encouragé l’amour. Ça n’a pas éliminé les murs ; ça les a augmentés », a-t-il analysé. Il a fait un parallèle avec le président américain, Donald Trump. « Lui, il met des murs qui entourent la pauvreté, les Mexicains, les immigrants, les gens de diverses cultures, les musulmans. [Or], les gens doivent être unis, parce que ça nous donne du pouvoir. Quand on est divisés, ce sont les politiciens qui ont du pouvoir », a-t-il avancé.
Puis, c’est lui qui a répondu à la question concernant l’inclinaison du corps pendant la prière. « Ça permet d’avoir la tête plus basse que le coeur », a-t-il expliqué. La tête, c’est l’ego, a-t-il ajouté. Et dans l’islam, c’est le coeur qui doit communiquer avec Dieu.