Condition féminine - Cap sur l'égalité ?
Le 26 février dernier, la ministre de l'Immigration et des Relations avec les citoyens, Michelle Courchesne, rendait publics les résultats émanant des consultations menées en 2003 à l'égard de la condition féminine. Dans la foulée, elle annonçait aussi son intention d'amorcer une seconde vague de réflexion. Objectif avoué: définir le concept d'égalité et l'actualiser. Inquiets, de nombreux groupes de femmes craignent la dérive d'intention. Se voulant rassurante, la ministre, elle, parle d'un débat démocratique imposé par les générations et l'évolution.
Dans les faits, la ministre propose une démarche en trois étapes. Dans un premier temps, le Conseil du statut de la femme, spécialement mandaté pour l'occasion, devra travailler à définir le concept d'égalité. Égalité de quoi, pour qui, pourquoi et comment? La question est vaste et Michelle Courchesne ne cache pas sa volonté d'obtenir la réponse la plus large possible également. «Le fondement du mandat est la cause des femmes, mais la notion d'égalité peut être très large. Certains pays ont fait le choix de l'élargir. Ce sera au Conseil de voir jusqu'où on peut aller dans cette idée et de me donner son avis à cet égard. Je ne veux présumer de rien. Chose certaine, le Québec a souvent été avant-gardiste dans sa façon d'aborder les débats sociaux, et se priver d'une telle réflexion serait une erreur. L'exercice va nous permettre d'écouter et de voir ce que nous souhaitons comme société.»Réflexion collective
Pour mener à bien leurs travaux, les membres du Conseil du statut de la femme pourront compter sur l'appui d'un groupe de travail spécial composé de cinq personnalités féminines reconnues dans leur milieu, soit Monique Simard, vice-présidente et productrice des Productions Virage, Christine Fréchette, présidente et directrice générale du Forum sur l'intégration nord-américaine, Annie Morin, conseillère en développement et concertation en condition féminine au Conseil régional de développement de la Montérégie, Rachida Azdouz, responsable du certificat en relations interculturelles à l'Université de Montréal, et Thérèse Larochelle, coordonnatrice du Réseau des groupes de femmes de Chaudière-Appalaches.
Ensemble, ces femmes devront, insiste la ministre, non seulement réfléchir sur l'égalité, mais aussi poser les jalons de ce que pourrait être la prochaine politique gouvernementale sur cette question. Seule exigence posée: les orientations et priorités désignées devront tenir compte des constats formulés au terme des consultations de mars 2003. La santé et le bien-être, l'intégrité et la sécurité, le partage des responsabilités envers les enfants, la participation citoyenne et l'exercice du pouvoir, de même que l'autonomie économique et la redistribution de la richesse devront donc être étudiés par le Conseil et son groupe de réflexion.
Vers une commission parlementaire
Enfin, démarche ultime, à l'automne 2004, la ministre espère tenir une commission parlementaire sur les orientations proposées, question, affirme-t-elle, de mettre le maximum de gens à contribution. «Le débat entourant l'atteinte de l'égalité est en train de se construire et d'émerger. Ce que je souhaite, c'est de réunir le plus de gens possible autour de cette question, d'élargir la discussion à l'ensemble des acteurs sociaux, et que l'on en vienne à une égalité de fait. Pour cela, les gens doivent réaliser qu'ils ont une responsabilité, qu'ils peuvent faire en sorte que les femmes aient véritablement leur place dans la société, dans les lieux de pouvoir, de prise de décision, etc. En ce sens, élargir le débat est pour moi une nécessité.»
Un autre élément commande aussi, selon Michelle Courchesne, une telle démarche: celui de l'appel des générations montantes. «Depuis que je suis en poste, je sens que les générations plus jeunes sont particulièrement intéressées par la notion d'égalité. C'est une notion qui les rallie, dans laquelle ils se reconnaissent et à laquelle ils ont envie de contribuer. Ce que je veux vérifier, c'est jusqu'à quel point elle rallie les générations.»
Difficile aussi d'amorcer un tel exercice sans évoquer au passage la possible disparition du Conseil du statut de la femme, maintes fois soulevée dans les médias au cours des derniers mois. Encore une fois, la ministre avoue vouloir s'en remettre aux travaux qui seront menés pour prendre une décision. «Personnellement, je crois dans la nécessité d'un organisme qui a pour mandat d'effectuer des recherches, des analyses et de faire des recommandations au gouvernement. Beaucoup de gens veulent que je me prononce sur l'avenir du Conseil du statut de la femme. J'ai refusé de le faire jusqu'à présent et je refuse encore de le faire aujourd'hui. Nous allons procéder à ces étapes de réflexion et le Conseil lui-même me donnera des avis et des recommandations sur ce que l'on doit faire: poursuivre avec l'idée de l'égalité élargie ou maintenir le Conseil dans sa vocation initiale. Je ne vois pas pourquoi une ministre pourrait, seule, décider de ce qui est le mieux. Je crois que c'est sain de pouvoir ouvrir publiquement un débat comme celui-là.»
Chantiers parallèles
Pas question non plus de retarder la mise en branle de certains projets et plans d'action relatifs à la condition féminine. «Croire que la démarche annoncée est une façon détournée de reporter des décisions et actions prioritaires en matière de condition féminine, c'est nous prêter des intentions que nous n'avons pas. C'est aussi prêter au Conseil du statut de la femme de fausses intentions. Le Conseil a accepté en toute lucidité le mandat que je lui confie et il n'est pas question d'oublier ou de reporter quoi que ce soit. Bien au contraire. J'ai été et je serai encore très ferme là-dessus. L'inégalité de fait dépeinte dans les consultations est réelle. Les revendications des femmes sont fondées. Tous mes collègues ministres sont interpellés par les résultats des consultations de mars 2003. Le travail du gouvernement se poursuit et tient compte de tout cela.»
À titre d'exemple, la ministre souligne les efforts actuellement consacrés à l'élaboration d'un plan d'action visant à enrayer la violence conjugale et les agressions sexuelles. Aussi, affirme-t-elle, la réforme des institutions démocratiques annoncée par le ministre Dupuis mettra à contribution plusieurs femmes. «La tendance en ce moment est de vouloir polariser le débat entre, d'un côté, le discours plus masculiniste, et de l'autre, plus féministe. Je ne veux pas entrer dans ce jeu. J'essaie d'être au-dessus de la partisanerie politique et idéologique. Les étapes que je propose ont pour but de rassurer, de faire en sorte que l'on se questionne sur notre société avec lucidité, mais aussi avec courage et imagination. Il existe des pays où les gouvernements ont choisi d'aborder l'égalité de manière très élargie. Je ne veux pas qu'un ministre décide de façon unilatérale ce qui devrait être fait. C'est toute la société, tout le gouvernement qui entendront les débats entourant l'égalité, parce que ce sont tous ces gens-là qui peuvent faire une différence. À la condition toutefois que l'on travaille ensemble. Donnons-nous au moins la chance d'écouter.»