Des orphelines nicaraguéennes pour prendre soin de nos aînés

Le recours aux aides familiales étrangères est déjà répandu au Canada anglais.
Photo: iStock Le recours aux aides familiales étrangères est déjà répandu au Canada anglais.

Après avoir recruté des centaines de machinistes, mécaniciens et soudeurs en Amérique centrale, un entrepreneur québécois s’apprête à former des orphelines du Nicaragua dans le but de les faire venir travailler au Québec comme aides familiales.

« On est en train de l’élaborer et de faire les budgets, et probablement qu’en 2017 ça va se réaliser. Donc en 2018-2019, les premiers formés vont s’en venir ici », avance Luc Plamondon, président de Travailleurs sans frontières.

« Le marché qu’on vise, c’est les personnes âgées parce que les CHSLD sont pleins et que les gens restent à la maison. Sauf qu’à la maison, ça va prendre quelqu’un pour les aider et on n’a pas les ressources humaines pour aider toutes ces personnes-là. C’est un métier très demandé. »

Depuis 2004, son entreprise a recruté plus de 470 travailleurs pour combler les besoins de main-d’oeuvre au Québec, des soudeurs et des machinistes pour la plupart. Il compte parmi ses clients Manac, Marmen et Rotobec, qui ont toutes eu recours à des travailleurs costaricains ces dernières années.

Contrairement à d’autres, il propose aux entreprises une offre dite « clé en main » pour recruter des travailleurs étrangers qui souhaitent s’établir de façon définitive au Québec. « L’immigration, dit-il, doit être proactive. En ce moment, notre immigration est réactive. On dit à l’immigrant : “Viens-t’en et après, trouve-toi une job.” Tandis que là, on trouve “la job” et après il s’en vient. Et si l’entreprise est contente, par la suite, on fait venir la famille. Ça fait que la personne qui arrive ici travaille, elle commence à payer ses impôts, elle est contente, elle est valorisée et la roue est partie », dit-il en soulignant que « ça ne coûte rien à l’État ».

Dans le cas des aides familiales, il pousse la planification un cran plus loin. Elles seraient recrutées dans un orphelinat du Nicaragua à partir de l’âge de 16 ans. Le plan de M. Plamondon est de leur offrir un travail lorsqu’elles vont atteindre la majorité. « Sinon, à 18 ans, elles se retrouvent à la rue », affirme-t-il.

L’entrepreneur vise le marché privé des aides familiales, et non pas celui du réseau public. Quant aux cours de français, ils seraient « probablement » offerts par des retraités québécois intéressés par le bénévolat. L’entreprise de M. Plamondon n’a, de toute façon, pas le droit d’embaucher là-bas à titre d’entreprise canadienne. « On va leur offrir des cours de français et toute la formation dont elles vont avoir besoin avant de venir ici », explique-t-il.

Les jeunes femmes auraient-elles le choix d’accepter ? « C’est sûr que ça va les intéresser », dit-il en ajoutant que « celles qui veulent mettre l’énergie pour apprendre le français » auront plus de chances d’y arriver.

Programme fédéral

 

Au Conseil du patronat, on note que ce genre d’emploi est peu prisé par les Québécois. « Déjà, dans la grande région de Montréal, en CHSLD, la grande majorité des employés de type “préposé aux bénéficiaires”, ce sont maintenant des travailleurs qui viennent de l’étranger », explique Yves-Thomas Dorval. Chose certaine, les besoins de main-d’oeuvre dans le secteur sont importants, dit-il.

Par ailleurs, le recours aux aides familiales étrangères est déjà répandu au Canada anglais, où on retrouve de nombreuses employées venues des Philippines, ajoute M. Dorval.

Les participantes — il s’agit en grande majorité de femmes — sont embauchées pour prendre soin d’enfants, de personnes âgées ou de personnes handicapées. Après deux ans, elles peuvent faire une demande de résidence permanente.

Le Programme fédéral des aides familiaux est toutefois assez restrictif. Ainsi, pour y avoir accès, les candidates doivent avoir l’équivalent d’un diplôme d’études secondaires et d’une formation dans le domaine. L’employeur doit, quant à lui, obtenir une étude de marché démontrant qu’il n’était pas possible de pourvoir le poste localement.

Ce programme a par ailleurs connu son lot de controverses, ces dernières années, alors que des femmes ont dit avoir été exploitées et victimes d’abus de la part de leurs employeurs. En 2014, il a été modifié pour faire en sorte que les employées ne soient pas obligées de résider chez leurs patrons.

Des Costaricains aussi à Matane

Pendant ce temps, l’organisme Travailleurs sans frontières poursuit ses opérations de recrutement dans les mêmes pays, mais dans d’autres domaines.

Récemment, l’entreprise a commencé à recruter des travailleurs dans la restauration. Outre le Costa Rica, elle prospecte désormais au Nicaragua, où les revenus de travail sont encore moins élevés.

Enfin, cet automne, le Bas-Saint-Laurent s’est ajouté à liste des régions recrutant en Amérique centrale avec la venue à Matane de quatre soudeurs costaricains chez l’entreprise Marmen Énergie.

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