Pour une économie plus égalitaire et plus verte

Hélène Roulot-Ganzmann Collaboration spéciale
Les cimenteries, entre autres, devront modifier leurs façons de faire afin d’atteindre les cibles de réduction des gaz à effet de serre.
Photo: Antoine Robitaille Le Devoir Les cimenteries, entre autres, devront modifier leurs façons de faire afin d’atteindre les cibles de réduction des gaz à effet de serre.

Ce texte fait partie du cahier spécial Congrès de la FTQ

Le 31e congrès de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec s’ouvre lundi avec deux grands thèmes au menu : les changements climatiques et les inégalités sociales. Deux enjeux auxquels le syndicat compte bien consacrer toute son énergie dans les prochaines années afin de bâtir une société plus juste et une économie plus dynamique.

Impossible de le nier : la planète se réchauffe, marquent aujourd’hui les têtes pensantes de la FTQ. Et les manifestations de ces changements — sécheresses prolongées, inondations spectaculaires, perte de la biodiversité, raréfaction de l’eau douce, pénuries alimentaires — freinent le dynamisme économique et suscitent des coûts sociaux. Le dossier des changements climatiques est celui qui va le plus occuper le mouvement syndical dans les vingt prochaines années, croit le président de la FTQ, Daniel Boyer.

« Or, dans ce qu’annonce le gouvernement, il n’y a pas assez d’investissements pour atteindre les objectifs de Paris,affirme-t-il. Au Canada, c’est le Québec qui s’est fixé les cibles les plus ambitieuses avec une réduction de 37,5 % des émissions de gaz à effet de serre [GES] en 2030 et de 80 à 95 % en 2050. Ça veut dire que le mode de production industriel doit changer, puisque ce sont les plus gros émetteurs. Certaines industries n’existeront plus. Il n’y aura plus de raffineries, par exemple. On fait quoi avec ces travailleurs-là ? »

Atteindre les cibles

 

Les cimenteries, les aciéries, les alumineries, les mines, la forêt, autant de secteurs qui devront modifier leurs façons de faire afin d’atteindre des cibles avec lesquelles la FTQ se dit par ailleurs d’accord. Mais peut-on, demande-t-elle, s’asseoir tous ensemble pour réfléchir à la meilleure façon de les atteindre sans créer une très grave crise sociale ?

« Toutes ces industries, c’est la vitalité de nos régions,souligne son secrétaire général, Serge Cadieux. Nous devons nous occuper de nos communautés, un peu comme nous l’avons fait dans les années 1980 avec l’avènement de la vague technologique. Mesurer les billots de bois, ça prenait des travailleurs avant, aujourd’hui, ça se fait de manière électronique. Mais on a mis en place des programmes de formation pour que ces gens soient capables d’occuper une autre fonction. Des programmes de compensation également pour la perte de salaire, etc. »

Or le seul plan de match du gouvernement aujourd’hui, fustigent les deux hommes, c’est une bourse du carbone. Permettre aux plus riches de payer plus pour polluer plus.

« On n’est pas contre, mais ça doit être transitoire,précise M. Cadieux. Ça doit servir à subventionner les compagnies qui veulent réinvestir dans la machinerie ou en recherche-développement. »

« La pensée magique néolibérale selon laquelle le marché va s’autoréguler, ça ne marchera pas,prévient Daniel Boyer. On a des universités, on a du savoir, des ressources, des matières premières, on a Hydro-Québec… Nous devons prendre notre place dans la nouvelle économie verte. Pourquoi un mécanicien de moteur diesel ne pourrait-il pas devenir mécanicien de moteur électrique ? Et surtout, puisque l’industrie du transport s’en va vers l’électricité, pourquoi le Québec ne deviendrait-il pas leader en la matière ? Je veux dire, qu’est-ce qui nous empêche d’investir dans cette industrie nouvelle ? Il va bien falloir que quelqu’un les imagine et les fabrique, ces véhicules. Pourquoi ça ne se ferait pas ici, au Québec ? »

Ils rappellent que si Donald Trump a pu être élu aux États-Unis au début du mois, c’est en partie parce que les gouvernements ont été négligents sur le front des transformations de l’emploi dans le secteur manufacturier.

« Ceux qui ont perdu leur job ont blâmé le gouvernement, analyse Serge Cadieux. Ils lui reprochent de ne pas s’être occupé de leur situation et de n’avoir rien fait pour contrer la hausse des inégalités et de la pauvreté. »

 

La chasse aux inégalités

Les inégalités sociales. L’autre grand dossier du congrès. Parce que, si elles ont augmenté moins vite au Québec que dans le reste de l’Amérique du Nord, c’est parce que la province s’est dotée d’un système social fort. Cependant, le gouvernement de Philippe Couillard est en train de le mettre à mal et les politiques d’austérité ont fait exploser les inégalités.

Celles-ci se présentent sous différentes facettes, comme l’augmentation de la pauvreté, la stagnation des salaires et l’enrichissement du 1 % le plus riche de la population, souligne la FTQ, qui note qu’elles touchent également certaines personnes plus que d’autres : les jeunes issus de foyers moins favorisés n’ayant pas les mêmes chances de réussite scolaire, les personnes âgées vivant avec un minimum de revenus, les femmes moins bien rémunérées que les hommes pour un même travail, les personnes immigrantes vivant dans des logements insalubres.

« Ces inégalités grandissantes ont des conséquences graves sur le dynamisme économique, la mobilité intergénérationnelle, l’espérance de vie, la réussite scolaire, l’état de la démocratie,affirme Daniel Boyer. La hausse des inégalités érode le tissu social québécois. Les gens en ont ras-le-bol de vivre de paie en paie. Il y a un clash entre les générations, un clash entre les communautés, entre les plus riches et les plus pauvres, entre les syndiqués et les non-syndiqués. C’est dangereux pour une société. On le voit bien aux États-Unis et en Europe. »

Dans ce contexte de tensions sociales et environnementales grandissantes, la FTQ assure vouloir prendre vraiment les choses en main. Ce 31e congrès sera notamment l’occasion de signer une déclaration de politique sur les changements climatiques exprimant clairement les revendications de ses membres et réitérant leur volonté de faire partie de la solution dans toutes les régions et dans tous les secteurs d’activité économique. La fédération proposera également un plan d’action de lutte contre les inégalités en insistant sur le rôle de l’action politique afin de bâtir, dit-elle, une société plus égalitaire, plus solidaire et plus démocratique.

Ce contenu spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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