Lieux de culte: l’issue du référendum est loin de tout régler

Malgré la victoire du « Oui » lors du référendum tenu dimanche sur l’interdiction de nouveaux lieux de culte sur l’avenue Bernard à Outremont, les problèmes sont loin d’être réglés dans l’arrondissement. Non seulement la communauté hassidique entend déjà contester ce règlement jugé discriminatoire, mais un flou total persiste sur la validité de permis octroyés pour tenir des lieux de culte sur cette artère commerciale, avant et pendant le processus d’adoption de la nouvelle mesure.
Interrogée à ce sujet lundi, la mairesse d’arrondissement, Marie Cinq-Mars, a fait preuve d’une grande prudence, disant qu’elle « préférait ne pas parler de ce dossier, car [elle n’avait] pas en ce moment toutes les réponses. » « Il faut vérifier quand la demande a été faite, si elle a été faite en bonne et due forme et je ne veux pas, à ce moment-ci, donner d’informations erronées », a-t-elle affirmé au lendemain du vote.
Or Abraham Ekstein, porte-parole des communautés hassidiques, affirme qu’un permis pour lieux de culte a été obtenu avant le dépôt en 2015 du premier règlement, pour ouvrir un lieu de culte à l’angle des rues Bernard et Champagneur. Un second permis aurait été ensuite réclamé pour le même usage après le dépôt du règlement, mais avant que sa version finale ne soit adoptée par le conseil municipal en mai dernier. Une situation qui ouvre la porte à tout un imbroglio juridique.
Selon l’expert en droit constitutionnel Julius Grey, qui a défendu la communauté hassidique par le passé, il est clair que la communauté ultrareligieuse dispose de tous les arguments pour entamer une action en justice. La décision majoritaire obtenue par voie de référendum ne prive en rien les hassidim de faire valoir leurs droits constitutionnels garantis par la charte, dit-il. « Ce qui est démocratique, ce n’est pas nécessairement la décision de la majorité si celle-ci a pour effet d’enfreindre les droits d’une minorité. » Ce dernier évoque à cet égard la décision majoritaire rendue par la Cour suprême dans l’affaire opposant les Témoins de Jéhovah au village de Lafontaine, qui refusait de modifier son règlement de zonage pour permettre la liberté de culte. Il ajoute au surplus que les détenteurs d’un permis délivré avant un changement à la loi bénéficient de droits acquis.
Un règlement en sursis ?
Interrogée sur l’éventualité d’une action en justice, la mairesse Marie Cinq-Mars affirme que « la démocratie s’est exprimée, avec une majorité claire de 350 personnes. »« On vit dans une société de droit. Si certaines personnes veulent aller à l’encontre du choix de la population, elles ont le droit de le faire, qu’elles le fassent. On vivra avec », a-t-elle dit.
La mairesse ajoute que dix secteurs de l’arrondissement sont déjà zonés « lieux de culte » et que deux d’entre eux ont été mis en vente au cours des dernières années. « N’importe quelle communauté aurait pu acheter ça et en faire un lieu de culte sans changer le zonage », dit-elle, se demandant pourquoi la communauté hassidique n’en a pas bénéficié. Les immeubles ont plutôt été acquis par des promoteurs immobiliers.
Mme Cinq-Mars affirme qu’un autre règlement sera présenté « au cours des prochains mois » pour ouvrir aux lieux de culte une nouvelle zone située au nord-est de l’arrondissement, à proximité du futur campus de l’Université de Montréal. Mais cette promesse ne rassure en rien la communauté hassidique, qui affirme « avoir perdu toute confiance » dans le conseil d’arrondissement.
D’ici là, la mairesse devra composer avec les tensions qui persistent. En dépit de leur victoire, les résidants de la coalition pour le Oui espèrent que des mesures seront prises pour que le projet de nouvelle synagogue prévue à côté du théâtre Outremont respecte les règles d’urbanisme. « Il va falloir travailler pour s’assurer que les vitres ne restent pas placardées sur la façade et que les travaux entrepris ne s’éternisent pas. On va faire pression pour que l’arrondissement gère ce dossier de très près », affirme Daniel Major, porte-parole de cette coalition.
Interrogé par des journalistes sur ce dossier lundi, le maire Denis Coderre a souligné qu’il avait en tête un secteur de la rue Van Horne pour accueillir les lieux de culte. Il croit que cet emplacement serait plus consensuel.