Des policiers de la SQ poursuivent Radio-Canada en diffamation

Des policiers de la Sûreté du Québec (SQ) du poste de Val-d’Or poursuivent Radio-Canada pour 2,3 millions de dollars en raison du contenu diffamatoire, à leur avis, d’un reportage sur de présumés abus policiers à l’endroit de femmes autochtones de l’Abitibi.
Voilà ce qu’a dévoilé Radio-Canada, mercredi soir, dans une réplique à une campagne de solidarité lancée par des policiers, qui ont dénoncé le traitement qui leur est réservé depuis la diffusion, il y a un an, du reportage de l’émission Enquête.
En réponse aux agents qui prétendent avoir été condamnés sur la place publique, le diffuseur public a révélé avoir appris que les policiers du poste 144, à Val-d’Or, de même que leur syndicat, l’Association des policiers du Québec, auraient mandaté un détective privé afin qu’il interroge les femmes qui se sont confiées à la caméra d’Enquête.
« [Le détective privé], un ancien membre de la Gendarmerie Royale du Canada, a rencontré certaines des femmes vulnérables qui ont témoigné dans le reportage en leur disant qu’il enquêtait “ sur [la journaliste] Josée Dupuis ”, pouvant ainsi laisser sous-entendre qu’il menait une enquête policière ou criminelle sur notre journaliste », a écrit Radio-Canada dans un communiqué.
Interpellé à plusieurs reprises sur cette question, le syndicat n’a pas souhaité réagir publiquement, mercredi.
L’enquête toujours en cours
Le reportage Abus de la SQ : les femmes autochtones brisent le silence, diffusé le 22 octobre 2015 dans le cadre de l’émission Enquête, laissait la place à des femmes qui ont rapporté avoir été victimes de sévices, physiques et sexuels, de la part de policiers de la SQ.
La diffusion a déclenché une enquête du Service de police de la Ville de Montréal, que le ministère de la Sécurité publique du Québec a mandaté pour faire la lumière sur les événements. Dans la foulée, huit policiers de la SQ ont été suspendus. Deux ont été blanchis entre-temps. Le sort des six autres n’a pas encore été scellé, puisque aucune accusation n’a été déposée jusqu’ici.
Or, quelque 2500 policiers de la SQ s’insurgent contre le traitement qui a été réservé à leurs collègues depuis la diffusion du reportage et porteront, dès samedi, des bracelets rouges en soutien aux policiers du poste 144, ont-ils annoncé dans un communiqué.
« […] Aucun des policiers retirés de leurs fonctions ne fait l’objet d’une enquête pour des infractions à caractère sexuel. Pourtant, ils ont été constamment associés à ces crimes sexuels horribles par les médias », ont aussi signalé les agents.
Le communiqué, signé par « les policiers du poste principal de la MRC de la Vallée-de-l’Or », n’a pas fait mention d’une poursuite en justice. Mais en soirée, Radio-Canada a confirmé avoir été avisée du dépôt d’une poursuite en diffamation contre Radio-Canada et la journaliste Josée Dupuis d’un montant de 2 320 000 $.
Le diffuseur public a par ailleurs rejeté « complètement » les prétentions des policiers ayant déposé la poursuite. « Couronné du prix Michener, la plus haute récompense journalistique au Canada, et réalisé dans le respect des normes et pratiques journalistiques de Radio-Canada, le reportage Abus de la SQ : les femmes brisent le silence revêtait un intérêt public indéniable et Radio-Canada n’a commis aucune faute en diffusant ce reportage de l’émission Enquête », a-t-il fait savoir.