Des milliers de réfugiés toujours en attente

Six mois après avoir réussi l’entrevue, la famille syrienne Darwish, parrainée par un groupe de jeunes trentenaires de Montréal, attend toujours en Turquie d’être envoyée au Canada. Et elle est loin d’être la seule. Dans tout le pays, il y aurait des milliers de réfugiés dont la demande a été traitée mais qui n’ont pas encore pris l’avion pour le Canada.
C’est le gouvernement fédéral qui s’occupe de la délivrance des visas et qui confie ensuite à l’Organisation internationale des migrations (OIM) le soin d’obtenir les permis de sortie et de planifier le voyage vers le Canada. Selon Immigration Canada, 3466 demandes d’asile ont été traitées, mais les réfugiés qui en font l’objet sont toujours en attente d’un billet d’avion, dont 172 iront au Québec. Pourquoi ces délais entre la délivrance du visa et le vol ? La famille qui parraine les Darwish aimerait bien le savoir.
« On a frappé à tellement de portes et personne ne peut nous donner l’heure juste. On est dans un flou », a souligné l’une des membres du groupe, Rafaëlle Sinave. Avec d’autres « parrains », elle a appelé divers députés, le ministère et le cabinet de la ministre de l’Immigration du Québec, Kathleen Weil, et son homologue fédéral, John McCallum. « Une secrétaire du bureau de McCallum n’a pas voulu nous laisser parler avec un attaché politique, elle nous a répété ad nauseam qu’on devait envoyer un courriel », poursuit l’enseignante au cégep.
Or, au mois d’août dernier, alors que les Darwish subissaient de la discrimination et de l’intimidation dans leur ville de la Turquie, des centaines de courriels ont été envoyés au bureau du ministre fédéral, mais ils sont tous restés lettre morte. Le lien de confiance a également été brisé une seconde fois, alors que les parrains des Darwish ont récemment appris que les cinq visas de la famille n’avaient pas encore été envoyés par la poste, bien que leur délivrance eût été confirmée il y a deux mois.
« On nous demande de faire preuve d’humanité et de bien soutenir la famille qu’on parraine, mais peut-on au moins être informé de ce qui se passe avec notre dossier ?, a lancé Maude Ménard-Dunn, visiblement découragée. On veut simplement savoir combien de temps encore on va attendre pour pouvoir s’organiser et bien prendre soin d’eux. »
Des explications
Généralement, les vols surviennent d’un à deux mois après l’approbation du visa, a indiqué le ministère de l’Immigration. Il reconnaît que la situation est plus difficile depuis les « événements récents », faisant référence au coup d’État raté en juillet dernier en Turquie. « Nous anticipons des retards, a-t-on répondu au Devoir. Certaines situations échappent à notre contrôle, mais nous continuons de déployer des efforts à cet égard. » Les permis de sortie ne sont pas faciles à obtenir du gouvernement.
Des sources au fait du dossier des réfugiés syriens ont également laissé entendre au Devoir que, après l’« effort » d’accueil de 25 000 réfugiés syriens réalisé en une centaine de jours à la fin de 2015 et au début de 2016, les ressources sont désormais moins nombreuses dans les ambassades, ce qui ralentit le traitement des demandes. Immigration Canada ne confirme pas cette thèse, même s’il admet que les demandes de réfugiés syriens en cours de traitement sont très nombreuses (20 261). Au Québec, 7644 réfugiés syriens qui ont une demande de parrainage acceptée sont toujours attendus.
« Il y a eu un effort pour les premiers 25 000, mais, à partir du moment où ç’a été atteint, on a l’impression que c’est passé en vitesse inférieure », a dit Rafaëlle Sinave. Elle déplore en outre que les familles qui parrainent au privé soient à ce point laissées à elles-mêmes dans le processus, sans aucun suivi ni personne à qui poser des questions. « Combien de milliers de familles qui parrainent sont en attente comme nous ? On leur lance un appel pour qu’elles nous contactent. Collectivement, on pourra agir. »