«Richard Bain ne m’atteint pas»

Dave Courage n’est plus le même depuis l’attentat du Métropolis en septembre 2012. En quatre ans, il a appris à vivre avec la douleur, mais surtout à se battre pour ne pas permettre à la colère de gagner.
Dans l’appartement où il vient d’emménager, l’homme de 31 ans a parlé mercredi avec fougue. « Je ne peux pas être fâché contre lui. C’est une perte d’énergie. Tant que je n’ai pas pardonné, je n’ai rien réglé », a-t-il lancé au sujet de Richard Henry Bain.
Mardi, le forcené a été reconnu coupable de tentative de meurtre à son endroit, mais aussi du meurtre non prémédité de son collègue, Denis Blanchette.
Dans un empressement qui trahit l’homme agité et actif qu’il devait être avant son accident, Dave Courage a expliqué qu’il ne pouvait plus se permettre d’en vouloir à l’homme, mais qu’il n’acceptait pas pour autant les gestes qu’il a commis. « Richard Bain ne m’atteint pas. La mort de Denis m’atteint », a-t-il illustré.
Je ne peux pas être fâché contre lui. C’est une perte d’énergie. Tant que je n’ai pas pardonné, je n’ai rien réglé.
Quatre ans après la soirée électorale du 4 septembre 2012, le corps de Dave Courage lui rappelle constamment cette balle, qui a tué son collègue Denis et traversé le bas de son corps. « J’ai beaucoup de douleur. Je n’ai plus de coccyx. J’ai mal dans le dos, dans les jambes, c’est comme si elles étaient extrêmement faibles depuis », a-t-il raconté au Devoir.
Le jeune papa de trois enfants a essayé de reprendre le travail, sans succès. « La douleur, c’est pas mal comme un plateau. Même que, des fois, j’ai l’impression que ça empire », a-t-il décrit. Aussi, il sursaute quand une personne s’approche de lui dans son angle mort ou quand il entend certains sons. « J’entends des bruits qui me font penser à des coups de fusil », a-t-il dit.
Mais rien ne sert de chercher le désespoir dans son visage, ni dans ses propos ou dans ses gestes. Dave Courage a eu le temps de cheminer. « Je sais c’est quoi d’avoir mal, de vouloir faire mal. Je sais tout ça. Je sais maintenant comment surpasser ça. J’ai compris, ça vient d’en dedans de toi : la volonté d’être heureux, c’est tout », a-t-il assuré.
En septembre, il ira au palais de justice de Montréal pour connaître la peine qui sera imposée à Richard Henry Bain. Il souhaite que l’homme soit condamné à la prison à perpétuité. Mais peu importe la sentence, il continuera à se détacher ; il utilisera l’épreuve qu’il a vécue comme une « catapulte », un moyen d’avancer. En juin, lors de son témoignage au procès, Dave Courage a vu Richard Henry Bain sourire dans le box des accusés. « Il m’a fait ça un peu trop longtemps, ce p’tit sourire-là. Qu’il continue à sourire. Ça ne change rien, tu ne peux pas me briser, je suis solide », a-t-il affirmé.
Marois muette
Jointe en Floride, où elle vit, la mère de Dave Courage, Yvonne Courage, était fébrile. « On est très soulagés. Cette histoire n’en finissait plus », a-t-elle lancé mardi, quelques heures après le verdict. Le lendemain, elle a rappelé Le Devoir. Elle cherchait une réaction de Pauline Marois. « On est peinés de voir qu’elle ne réagit pas. C’est pour elle que nos enfants ont été blessé ou mort », a-t-elle déclaré.
La responsable de l’agenda de l’ex-première ministre, Josée Jutras, a répondu par courriel que Mme Marois avait « pris la décision de ne faire aucun commentaire à la suite du verdict ».
Le chef intérimaire du Parti québécois, Sylvain Gaudreault, a assuré que la politicienne retraitée s’était enquise de l’état des familles de MM. Courage et Blanchette. « Je pense qu’elle a senti un soulagement, une certaine sérénité, mais en même temps, elle est aussi très attentive pour la suite, pour la sentence », a-t-il aussi déclaré, au sujet d’une courte conversation qu’il a eue avec son ex-collègue.
Le député péquiste de Rimouski, Harold LeBel, est quant à lui revenu sur les événements du 4 septembre avec difficulté. Ce soir-là, au Métropolis, il a aperçu Dave Courage au sol. « Je l’ai tiré, rentré à l’intérieur avec un collègue », a-t-il raconté. Il a parlé de la panique qui s’est installée, des scénarios catastrophes qu’il a imaginés depuis. « Si son arme ne s’était pas enrayée, si on n’avait pas fermé la porte, s’il avait lancé le cocktail Molotov plus tôt », a-t-il énuméré. Désormais, il sursaute quand il entend certains bruits, vérifie les portes de sortie quand il entre dans un grand local.
Quand même, M. Lebel a affirmé qu’il n’avait pas d’opinion sur le verdict du jury. « C’est sûr que je lui en veux, a-t-il cependant déclaré. Il y a quelqu’un de décédé, quelqu’un de blessé physiquement. Mais je lui en veux aussi parce qu’il y a beaucoup de personnes qui ont été blessées moralement. »
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