Richard Bain jugé responsable

Le verdict attendu est tombé mardi. Richard Henry Bain a été reconnu coupable du meurtre non prémédité de Denis Blanchette, abattu le 4 septembre 2012 au Métropolis à Montréal.
Il a également été reconnu coupable de trois tentatives de meurtre, dont celle de Dave Courage, un technicien et collègue de M. Blanchette, grièvement blessé lors de cette même soirée électorale.
L’attentat a été perpétré en pleine soirée électorale, alors que 2000 militants étaient réunis dans cette salle de spectacle pour fêter la victoire du Parti québécois. Peu avant minuit, M. Bain s’était approché de l’entrée des artistes à l’arrière de la salle de spectacle. Le coupable a alors tiré un seul coup avant que son arme ne s’enraye, tuant Denis Blanchette et blessant M. Courage. En direct à la télévision, les Québécois avaient vu Pauline Marois nouvellement élue être emportée par ses gardes du corps.
Après un long procès, les délibérations du jury ont duré 11 jours. Les jurés ont rejeté la thèse de la non-responsabilité criminelle pour cause de troubles mentaux, plaidée par la défense.
L’homme de 65 ans écopera d’une peine de prison à perpétuité avec une possibilité de libération conditionnelle après 10 à 25 ans. Il appartient au juge Guy Cournoyer de déterminer la sentence, après représentations des avocats.
En point de presse après l’annonce du verdict, le procureur de la Couronne, Me Dennis Galiatsatos, a déjà annoncé que sa position reflétera le fait que M. Bain s’est attaqué non seulement à des humains, mais aussi à « notre démocratie et nos valeurs ».
« Il est content », a quant à lui laissé tomber Alan Guttman, l’avocat de Richard Henry Bain, à la sortie de la salle d’audiences, au sujet de son client. « Je ne suis pas déçu [du verdict], a-t-il ajouté, mais je ne suis pas content. »
Le technicien Gaël Ghiringhelli, sur place le soir de l’attentat même s’il n’était pas en fonction, a salué la fin des délibérations. « C’est vrai qu’une page se tourne. Denis peut vraiment reposer en paix, je pense », a-t-il dit ému aux journalistes.
Un geste non planifié ?
Les jurés n’auront cependant pas retenu l’aspect prémédité du meurtre, le chef d’accusation le plus grave qui pesait sur lui. Cette accusation lui aurait valu une peine ferme d’emprisonnement d’un minimum de 25 ans.
« De façon générale, on peut dire que son opération était préméditée. Mais la défense a tenté de soulever un doute raisonnable en disant qu’en se présentant au rassemblement, il pouvait difficilement prévoir qu’il allait tuer ce monsieur en particulier », expose l’avocat-criminaliste Jean-Claude Hébert.
C’est donc la nécessité de connaître « hors de tout doute raisonnable » qui a pu faire pencher la balance des jurés qui ont soupesé consciencieusement tous les éléments présentés lors du procès. Sans avoir retenu l’hypothèse de la non-responsabilité, « son état de délabrement mental n’a pas été complètement évacué du problème », croit Me Hébert.
Bain portait une cagoule de ski et une robe de chambre le soir de l’attentat. Il avait soutenu avoir pris plusieurs comprimés d’antidépresseurs, ce qui a été infirmé par une toxicologue judiciaire à la toute fin du procès. La psychiatre appelée à la barre par la défense avait également soutenu qu’il souffrait d’un trouble bipolaire et qu’il était dans un état psychotique au moment des faits.
« Convaincre de la non-responsabilité est un très lourd fardeau. Ça ne suffit pas qu’il soit malade, mais il doit être incapable de différencier le bien du mal au moment où il tire sur la gâchette, comme dans une espèce d’univers parallèle », explique Walid Hijazi, avocat-criminaliste. Ce scénario n’a pas été retenu, mais les « faiblesses d’esprit » ont pu faire croire au jury qu’il n’était pas en mesure de préméditer le meurtre de Denis Blanchette. « Il est impossible de savoir quels ont été les éléments de la réflexion. Les jurés doivent se persuader selon une balance de probabilités », conclut M. Hijazi.
Trancher la poire en deux
Me Hébert émet également l’hypothèse que les jurés « fatigués » puissent avoir voulu « trancher la poire en deux » pour arriver à une décision.
La question psychologique s’est donc retrouvée à nouveau au coeur des délibérations dans un procès suivi du grand public. La non-responsabilité représente « tout un défi sur le plan diagnostique », souligne Marie-Ève Cotton, médecin psychiatre à l’Institut universitaire en santé mentale de Montréal. « L’évaluation est toujours rétrospective », rappelle-t-elle. Certains éléments, le fait que Bain avait retiré sa plaque d’immatriculation par exemple, indiquaient qu’il avait une « certaine conscience que ce qu’il allait faire était répréhensible ».
Ce verdict pourrait rétablir les faits sur la non-responsabilité criminelle, qui avait créé une grande controverse lors du premier procès de Guy Turcotte. « C’est une défense rarement présentée et acceptée », insiste Dr Cotton. « Dans moins de 1 % des dossiers criminels », renchérit Me Hébert.
En entrevue à ICI RDI, Jean-François Lisée a insisté sur la « haine politique » qui a motivé son geste. Le verdict de mardi « permet de faire une relecture » et de revenir « sur cet aspect très occulté dans le débat ».
Lourdement armé, Bain avait crié en français « les Anglais se réveillent » quand les policiers l’avaient immobilisé et emmené. L’aspect politique de l’attentat pourrait d’ailleurs être présenté comme un facteur aggravant devant le juge Guy Cournoyer.
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