Secte baptiste: le DPJ de Québec s’explique

Les cinq enfants avaient été confiés par leurs parents au pasteur Claude Guillot de l’église baptiste de Québec-Est pour qu’il leur enseigne les préceptes du groupe et sa discipline.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Les cinq enfants avaient été confiés par leurs parents au pasteur Claude Guillot de l’église baptiste de Québec-Est pour qu’il leur enseigne les préceptes du groupe et sa discipline.

Blâmée par la Commission des droits de la personne, le DPJ Québec dit avoir tout fait pour venir en aide aux enfants maltraités par le pasteur baptiste Claude Guillot. Il reconnaît toutefois être mal outillé pour intervenir dans le milieu des sectes.

Dans un rapport d’enquête, la Commission des droits de la personne reproche au DPJ d’avoir « lésé les droits » d’un groupe d’enfants parce qu’il n’avait pas agi de façon adéquate pour les protéger.

Les cinq enfants avaient été confiés par leurs parents au pasteur Claude Guillot de l’église baptiste de Québec-Est pour qu’il leur enseigne les préceptes du groupe et sa discipline. Pendant des années, ils ont vécu dans l’isolement le plus total dans son sous-sol, situé à Shannon. En 2015, le DPJ a découvert qu’il les avait violentés, voire torturés.

Le pasteur avait notamment obligé un jeune à faire « 800 redressements up-and-down au cours d’une seule journée, sans boire ni manger ». Un enfant aurait aussi dû passer près de 41 jours debout face à un mur, selon des documents du Tribunal de la jeunesse obtenus par La Presse l’an dernier.

Or, le DPJ avait reçu des signalements dans ce dossier dès 2004. Selon la Commission des droits de la personne, les évaluations dans ce dossier à cette époque étaient d’une « durée indue » et certaines allégations n’ont jamais été évaluées.

Elle reproche au DPJ d’avoir fermé le dossier en 2006 « sans se prononcer à savoir si la sécurité ou le développement des enfants étaient compromis ».

Incapables de récolter des preuves

 

En entrevue, la directrice du DPJ Québec, Dominique Jobin, explique que les intervenants avaient tenté sans succès d’intervenir en 2004. Le pasteur collaborait et leur permettait d’interroger les enfants en son absence, mais les enfants ne disaient rien.

« Quand le DPJ arrive dans des milieux comme les sectes, les enfants sont conditionnés à percevoir le DPJ comme des personnes méchantes. […] Ils ont des réponses formatées à l’avance par les personnes en autorité. » Les parents qui avaient confié l’éducation de leurs jeunes au pasteur évangélique étaient « tout aussi méfiants », ajoute-t-elle.

En 2013, le DPJ intervient encore à la suite d’un nouveau signalement pour non fréquentation scolaire en raison de l’absence d’un jeune de 15 ans à l’école. « On devait alors mesurer l’impact sur sa vie du fait qu’il ne fréquentait pas l’école régulière, mais le garçon était très performant à l’école. Donc, on n’avait pas de raison de croire que sa situation était compromise. »

Le DPJ, insiste-t-elle, ignorait que les enfants étaient violentés. Ce n’est qu’après un nouveau signalement, en 2014, que l’un des jeunes, alors âgé de 16 ans, a tout raconté.

À la suite de ce témoignage, le DPJ a porté le dossier devant le Tribunal de la jeunesse, qui a ordonné le retrait des jeunes de la maison. En décembre, Claude Guillot a été arrêté.

 

Il a été accusé de voies de fait, de voies de fait avec lésions et de séquestrations. Les agressions remontaient à 1983 et ont touché des enfants âgés de 4 à 15 ans.

Aucun membre du personnel du DPJ n’a été blâmé dans cette affaire. « Tous les intervenants qui ont travaillé dans ces situations-là sont des intervenants chevronnés. […] Ça a toujours été des intervenants de grande expérience qui ont tenté de percer le mystère de ce milieu-là », assure Mme Jobin. Elle assure que les erreurs dans les façons de faire relevées par la Commission ont « déjà » été corrigées.

La ministre interpellée

 

Par ailleurs, au DPJ comme à la Commission des droits de la personne, on fait valoir que les intervenants sont mal formés pour intervenir dans le milieu des sectes.

La Commission a d’ailleurs pressé la ministre responsable de la protection de la jeunesse, Lucie Charlebois, de « concevoir un guide des meilleures pratiques cliniques » pour intervenir en milieu sectaire et de s’assurer qu’il soit largement diffusé.

Vendredi, la ministre a fait savoir que le ministère de la Santé et ses partenaires « planchaient déjà » là-dessus.

Un tel guide pourra-t-il vraiment empêcher que ce genre d’échec se reproduise ? Mme Jobin répond que ça « favoriserait l’uniformisation des pratiques ». Elle ajoute qu’il n’y a pas beaucoup de situations sectaires au Québec et que les rares cas sont survenus à Montréal et dans les Laurentides plutôt qu’à Québec.

« Ça peut nous donner une méthodologie. » « Je ne vous dis pas qu’on va faire de grands miracles et percer tous les mystères. […] Mais au moins, si on est capables d’être dans les bonnes pratiques qui reposent sur des recherches, je pense que ça va être gagnant. »

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