Les Premières Nations en appui aux luttes sociales mondiales

Le Forum social mondial 2016 a été lancé mardi par une grande marche et un spectacle qui a regroupé quelques milliers d’altermondialistes. En tête de cortège, les premiers peuples du continent, nombreux à s’être déplacés pour ce lancement. De l’avis de groupes autochtones ou travaillant avec les autochtones, jamais un tel rassemblement n’a fait autant de place aux Premières Nations au Québec.
« En ce moment, la question autochtone prend une place qu’elle n’a jamais prise », avance Manon Barbeau, fondatrice du Wapikoni mobile, qui travaille avec les jeunes autochtones. L’organisme a obtenu du financement pour aider 26 de ces jeunes à prendre part aux différentes activités sur les thématiques autochtones organisées en marge du FSM.
Mélissa Mollen Dupuis, cofondatrice de Idle No More Québec, partage son enthousiasme. « Il y a une reconnaissance qu’on ne voyait pas dans le passé », avance la militante, qui voit un changement dans la manière dont sont incluses les causes autochtones dans les autres luttes sociales et environnementales. « Il y a eu beaucoup de changement dans les dernières années. Avant, les autochtones étaient invités, mais ils n’étaient pas mis en avant. »
Une place de choix
Battant le rythme au son des tambours, les Mohawks ont été invités à ouvrir la marche inaugurale du FSM, aux côtés d’autres représentants autochtones du Canada et même d’aussi loin que d’Amérique du Sud. « Puisqu’on est sur leur territoire, on considère qu’ils nous accueillent ici », explique le coorganisateur du FSM, Raphaël Canet. Le contingent autochtone a guidé les milliers de participants vers le spectacle d’ouverture du Forum, sur la place des Festivals, aussi lancé par des artistes issus des Premières Nations.
« Le problème que nous vivons, c’est aussi le problème de l’humanité », philosophe Charles Coocoo, 66 ans, qui vit dans la réserve Atikamekw de Wemotaci, en Mauricie. Le militant écologiste fait partie de la trentaine de personnes qui compose la délégation Atikamekw, principalement des jeunes du secondaire, qui ont financé leur voyage grâce à une campagne de sociofinancement. Leur motivation, comme le résume l’accompagnatrice Lydia Newashish, est de tisser des liens entre les causes autochtones et celles des autres peuples. « Ce n’est pas juste au Québec ou au Canada [qu’il y a des problèmes]. C’est mondial ! »
Sur la ligne de départ de la grande marche inaugurale du FSM, Charles Coocoo semble ému de constater une telle mobilisation des Premières Nations : « Je suis content de voir autant de jeunes de la réserve nous accompagner. Ils sont motivés, sont d’une nouvelle génération. » Il confie que la mobilisation autochtone d’il y a quelques décennies n’était pas aussi enthousiasmante. « Il y avait beaucoup de méconnaissance, de racisme et d’intolérance au Québec », se souvient-il.
Melissa Mollen Dupuis, qui se qualifie d’« enfant de la crise d’Oka », témoigne aussi du changement dans les mentalités. « Quand j’étais petite, il était impossible d’avoir une couverture positive sur les autochtones dans les médias. » Aujourd’hui, notamment grâce aux tribunaux qui ont reconnu certains droits des Premières Nations sur leur territoire, leurs causes ont trouvé écho au sein des mouvements progressistes, analyse-t-elle. « Le plus grand défi, c’est qu’on doit maintenant apprendre à travailler ensemble, promouvoir la transversalité des causes. »
Sur la scène du spectacle de lancement du FSM, mardi soir à Montréal, l’Innue a d’ailleurs pris la parole devant le public, composé de milliers de participants de différents pays. « Je tiens à rappeler que les Premières Nations n’étaient pas non plus les bienvenues sur leur propre territoire », a-t-elle déclaré, faisant référence à une époque où les autochtones étaient brimés dans leur liberté. Elle a aussi voulu marquer sa solidarité avec les centaines d’invités du Forum originaires de pays aux fortes inégalités sociales et dont le visa a été refusé par le Canada.
