

La relève agricole est défaillante au Québec, découragée par le prix prohibitif des terres et les quotas pour écouler...
Depuis six ans, Louis-Philippe Auger cultive dans sa cour sept plants de houblon, près du métro Joliette à Montréal. Il s’en servait jusqu’à maintenant pour produire de la bière artisanale à des fins personnelles.
À la mi-juillet, le diplômé en philosophie et deux de ses amis, Jean-Nicolas Lacasse et Jean-Sébastien Lapierre-Leduc, ont signé un bail pour planter 450 rhizomes de houblon à Philipsburg, près du lac Champlain.
Ils les planteront sur la terre d’Éric Dorval, lui-même agriculteur à temps partiel, qui a entrepris en 2014 d’ensemencer une plantation d’arbres à noix à Philipsburg.
C’est le 25e jumelage effectué par la MRC de Brome-Missisquoi dans le cadre du programme de banque de terres. À ce jour, 82 propriétaires et 150 aspirants agriculteurs s’y sont inscrits. Éventuellement, le groupe rêve d’ouvrir une microbrasserie où on servirait entre autres de la bière faite localement, de la feuille de houblon au bock. Éric Dorval souhaiterait aussi développer un partenariat avec un maraîcher qui lui permettrait de mieux pénétrer le marché alimentaire.
Comme Éric Dorval, les trois futurs brasseurs ont fait affaire avec la banque de terres de Brome-Missisquoi pour trouver un endroit où planter leur butin.
« On pensait aller chez un ami, à Orford, mais on s’est rendu compte que le sol était trop peu profond, il n’y avait qu’un pied de terre sur le roc », explique Louis-Philippe.
Après s’être inscrits, ils ont été orientés vers Éric Dorval par l’agente Leslie Carbonneau. Les trois amis vivent toujours à Montréal, mais ils pensent peut-être déménager plus près de leur récolte. Né sur la Rive-Sud dans une famille originaire de la Beauce, Éric Dorval a déjà pratiqué l’acériculture dans la région de Québec. La banque de terres demande en effet aux aspirants agriculteurs d’avoir une certaine expérience ou une certaine formation en agriculture. Elle peut aussi les aider à développer un plan d’affaires.
En 2014, il a planté de sages rangées de noyers noirs, de noyers du Japon et de noyers hybrides. Il s’intéresse aussi au carrier et n’exclut pas de faire pousser des châtaigniers, une espèce considérée autrefois comme extrêmement courante en Amérique du Nord mais aujourd’hui en voie de disparition.
Éric Dorval veut même tenter d’utiliser l’entièreté des noix produites. Avec le brou de la noix, on peut faire de la teinture. Et on peut se servir de la coquille pour faire une sorte de papier d’émeri ou de l’abrasif qu’on répand sur la glace en hiver. Il a aussi réservé un espace de sa terre à des arbres qu’il cultive pour les billes. On sait que le bois du noyer noir est une espèce très prisée qui vaut cher sur le marché.
L’Association des producteurs de noix du Québec est en pleine croissance, dit-il. Et l’Université de Sherbrooke serait à mettre au point un casseur de noix automatique qui permettrait un meilleur usage de la ressource.
En plus des 42 heures qu’il consacre à son travail rémunéré, Éric Dorval passe environ 30 heures par semaine à s’occuper de son projet. C’est une sorte de projet de retraite qui devrait arriver à maturité d’ici quelques années. Il pense en effet pouvoir récolter des noix d’ici cinq ans.
Quant aux trois futurs brasseurs, ils comptent également faire des « tests » durant quelques années avant de mettre au point leur bière locale. Ils ont en commun, avec Éric Dorval, de ne pas dépendre financièrement de leur production pour l’instant, puisqu’ils occupent des emplois ailleurs.
Sur la terre d’Éric Dorval, un apiculteur a également installé des ruches pour le miel.
« Je n’ai plus de sirop d’érable, alors il me paye en miel ! » dit-il. Alors que les pesticides et les néonicotinoïdes désormais intégrés au maïs en grains qui sert à fabriquer l’éthanol nuisent aux abeilles au point de les menacer, Éric Dorval a l’impression de se racheter en leur faisant une place sur son terrain.
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Les nouveaux maraîchers n’ont pas d’attaches régionales.
Deux «foodies» décident de mettre la main à la terre.
Une plantation d’arbres à noix et un projet de culture du houblon voient le jour à Philipsburg.