Deux Québécoises de 12 ans dans la Silicon Valley

L’application des élèves suggère des recettes aux utilisateurs à partir des aliments qu’ils ont dans leur frigo.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir L’application des élèves suggère des recettes aux utilisateurs à partir des aliments qu’ils ont dans leur frigo.

Deux jeunes Québécoises d’à peine 12 ans ont réussi à se hisser en finale du prestigieux Technovation Challenge de San Francisco, une compétition internationale visant à encourager les jeunes filles de tous les pays du monde à s’initier à la technologie. Avec InDaFridge, une application mobile pour contrer le gaspillage alimentaire, Maé Guignat-Lépinay et Clémence Auclair ont déjà séduit plusieurs jurys nationaux et régionaux et se sont finalement rendues jusqu’au pays de Steve Jobs, dans la Silicon Valley.

La recette de leur succès ? Des recettes, justement. Des recettes que l’utilisateur se voit suggérer d’après les aliments qu’il a dans son frigo et qu’il a inscrits dans l’application. Ensuite, celle-ci personnalise son offre de recettes en demandant des précisions sur ses préférences alimentaires (sans ou avec viande, par exemple) et si le repas à préparer est pour une fête ou tout simplement un repas à cuisiner sur le pouce.

« Saviez-vous que près du tiers de la nourriture produite dans le monde est gaspillée ou perdue ? » expliquent les deux jeunes filles dans la présentation vidéo de leur projet sur YouTube. « C’est 280 livres par personne d’aliments sains qui sont jetés à la poubelle chaque année. »

Le gaspillage alimentaire, c’est la préoccupation qui a guidé Clémence et Maé tout au long de l’élaboration de InDaFridge. « Quand on a eu notre idée, on a fait un sondage auprès des familles et elles nous ont dit que le gaspillage alimentaire était un problème. On est parti de ça pour faire un “ business plan ” pour expliquer comment on allait gagner de l’argent avec ça, comment se démarquer des autres applications, faire le design, définir les fonctions… » explique Clémence. Mine de rien, les deux copines planchent sur leur « bébé » techno depuis octobre dernier.

Photo: Jacques Nadeau Le Devoir L’application des élèves suggère des recettes aux utilisateurs à partir des aliments qu’ils ont dans leur frigo.

Techno pour filles

 

Depuis 2010, le programme Technovation Challenge offre à 5000 filles de 10 à 18 ans dans près de 30 pays une réelle incursion dans le milieu de la technologie. Depuis deux ans, grâce à notamment Stéphanie Jecrois et Christine Renaud, le défi Technovation a son chapitre Montréalais. Programmation (« coding »), entrepreneuriat, élaboration d’un plan d’affaires…

Les participantes ont eu droit à quatre ateliers de fin de semaine avec des professionnelles en entreprise, en plus des séances de remue-méninges et de travail sur leur projet personnel en compagnie d’une mentor. « L’expérience est positive pour les participantes, mais aussi pour les mentors et les coachs qui sont de jeunes femmes extraordinaires qui ont accepté de rencontrer bénévolement les équipes de filles, souligne Stéphanie Jecrois. Certaines professionnelles de start-up qu’on a rencontrées ont dit qu’elles auraient adoré pouvoir apprendre leur métier à un si jeune âge. »

Dans les grandes entreprises comme Google, les emplois techniques sont occupés par à peine 17 % de femmes. Cette proportion est de 15 % au sein de Facebook et de 10 % chez Twitter, des entreprises que Maé et Clémence ont d’ailleurs eu le privilège de visiter ces derniers jours. Chez les jeunes, la techno (et surtout les jeux vidéo) semble être la chasse gardée des garçons. « Ce n’est pas par manque d’intérêt. C’est que les jeunes filles ne sont pas assez exposées à la techno. On ne les a pas assez encouragées, constate Mme Jecrois. C’est la beauté de notre programme. Ça élargit leur horizon. »

Même si elle est plutôt accro à son iPod, Clémence n’avait jamais songé à faire sa place dans le domaine de la techno. « J’utilise beaucoup d’applications mais je ne m’étais jamais posé la question sur la façon dont c’était fait. C’est drôle de voir que Maé et moi, on en a créé une », raconte la jeune fille, jointe à San Francisco quelques heures avant la cérémonie annonçant les gagnants. « C’était un milieu plus de gars, pas nécessairement pour moi. Mais là, je m’y vois plus. »

10 000 $ en bourse

Heureusement qu’elles s’y voient, car elles y sont. Après avoir remporté la demi-finale pour l’Amérique du Nord — où une autre équipe montréalaise de l’école The Study avait réussi à compétitionner —, les filles d’InDaFridge ont obtenu leur passeport pour l’ultime étape du concours qui a vu défiler 800 projets d’applications. En tout, 10 équipes (6 de niveau secondaire et 4 de niveau primaire) de jeunes filles venant de pays aussi divers que le Kazakhstan, le Kenya et l’Inde ont dû faire un « pitch » de quatre minutes pour convaincre le prestigieux jury de San Francisco du bien-fondé et de l’originalité de leur création. « Mon coeur battait fort, surtout quand c’était notre tour et qu’ils ont annoncé nos noms », dit Clémence, qui comme Maé vient de finir sa 6e année à l’école Nouvelle-Querbes.

« Quand on a eu fini, on a poussé un gros soupir de soulagement. J’ai trouvé qu’on avait bien présenté. »« Je pense que toutes les idées étaient vraiment bonnes. Ce sera difficile pour le jury », a renchéri Maé, qui dit avoir beaucoup aimé la présentation de ses consoeurs du Mexique, qui ont proposé une application pour inciter les gens à faire davantage de bénévolat dans leur communauté.

Au moment d’écrire ces lignes, Maé et Clémence étaient sur le point de savoir si elles allaient mettre la main sur la bourse de 10 000 $ offerte aux gagnantes dans le but de commercialiser leur application. Et si le prix leur échappe ? « On va essayer quand même de faire quelque chose, affirme Clémence. On va essayer de faire des collaborations avec des chefs comme Di Stasio et Ricardo. Ils sont quand même connus. On pourrait suggérer de leurs recettes dans InDaFridge et ça nous donnerait de la visibilité en même temps ! » Avis aux investisseurs.

À voir en vidéo