Les Lakatos seront expulsées samedi

Malgré un sursis de deux mois qui aura laissé planer le doute sur son avenir au Canada, la famille Lakatos, des Roms de la Hongrie, s’apprête à quitter le pays samedi. En mai dernier, Gilda, 17 ans, et sa mère Katalin avaient imploré le gouvernement d’accéder à leur demande de résidence permanente pour motifs humanitaires. L’affaire avait alors connu un certain battage médiatique. Le gouvernement avait offert un permis de séjour temporaire aux deux femmes Lakatos, jusqu’au 16 juillet 2016.
Ensuite ? « Il n’est pas arrivé grand-chose. On n’a eu aucune nouvelle », raconte Gilda, en entrevue au Devoir. « On est stressées. J’aimerais beaucoup rester, on le mérite. » De son côté, Immigration Canada ne commente pas les cas particuliers. Mais il appert qu’il n’y a pas eu jusqu’ici de décision prise dans le dossier. En théorie, tout peut encore arriver jusqu’à samedi. Il arrive parfois que les réfugiés expulsés apprennent qu’ils peuvent rester au moment de monter dans l’avion. « On essaie de garder l’espoir », dit Gilda.
Ces deux derniers mois, Gilda et sa mère ont vécu de l’aide d’amis et du réseau d’entraide Solidarité sans frontières (SSF), qui prête assistance aux demandeurs d’asile et aux sans-papiers. Selon Mary Foster, de SSF, le permis de séjour temporaire qu’a reçu la famille ne comprenait pas une autorisation de travail. Les deux femmes ont donc dû déposer une demande pour obtenir un permis de travail, qui met du temps à être délivré. Sans revenus, elles vivent de dons.
On est stressées. J’aimerais beaucoup rester, on le mérite. [...] On essaie de garder l’espoir.
Gilda Lakatos soutient qu’il ne lui a pas non plus été possible de faire en juin ses examens de cinquième secondaire à l’école Henri-Bourrassa, à Montréal. Lorsque la demande d’asile de sa famille a officiellement été refusée, en octobre dernier, la jeune femme a, par peur, lâché l’école. Elle a alors commencé un stage dans une pharmacie pour éventuellement y travailler.
La peur de partir
Gilda et sa mère craignent beaucoup le retour en Hongrie, un pays qu’elles ont voulu fuir à cause de la discrimination constante dont elles étaient victimes. Agressions, insultes, difficultés pour travailler ou étudier… À l’été 2011, après le suicide d’un des fils de la famille, les Lakatos — le père et la mère, ainsi que Gilda et son autre frère — ont fui la Hongrie pour demander l’asile au Canada. Quatre ans plus tard, leur requête a été rejetée, mais la famille, découragée, s’est entêtée à rester. Peu de temps après, soit en septembre 2015, ils ont tenté l’ultime recours, soit une demande de résidence permanente pour motifs humanitaires. Quelques mois plus tard, le père et le fils ont été arrêtés lors d’un contrôle policier de routine et expulsés vers la Hongrie. « Ils essaient de trouver du travail. Mon père est en dépression et mon frère n’a pas pu trouver du travail », explique Gilda Lakatos. Ils vivent chez une amie, sans toilettes ni eau courante.
Mary Foster craint la double discrimination dont souffrira la famille : celle d’être rom mais aussi celle d’avoir osé tenter de quitter le pays. Elle ne comprend pas pourquoi leur dossier n’arrive pas à convaincre les autorités. « On a l’appui du public et le dossier est solide », assure-t-elle.