Un Pokémon près de chez vous

Les utilisateurs peuvent partir à la recherche de Pokémon où bon leur semble, comme ici, au complexe Desjardins du centre-ville de Montréal. Le succès n’est pas garanti.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Les utilisateurs peuvent partir à la recherche de Pokémon où bon leur semble, comme ici, au complexe Desjardins du centre-ville de Montréal. Le succès n’est pas garanti.

Vingt ans après leur naissance, les Pokémon font un retour en force et envahissent désormais les lieux qui vous entourent grâce à Pokémon Go, le nouveau jeu pour téléphone mobile dont tout le monde parle. Une application qui, en quelques jours à peine, a conquis les coeurs et enflammé la Bourse.

Après avoir résisté pendant quelques jours, Véronique Tremblay, 28 ans, a succombé dimanche soir. Son copain et elle ont téléchargé l’application Pokémon Go et sont descendus dans la rue. Entre 22 h et 3 h du matin, elle a « attrapé » plus de 30 Pokémon différents. « Je capotais. Je n’en revenais pas de voir que je marchais dans mon quartier et que des Pokémon se présentaient devant moi. C’est un rêve de jeunesse. »

Pokémon Go, c’est probablement une machine à imprimer de l’argent pour Nintendo


Avec Pokémon Go, ce sont des centaines de milliers d’utilisateurs comme elle qui sont retombés en enfance depuis le lancement du jeu, mercredi dernier, et des centaines de milliers d’autres qui se demandent toujours ce qu’est un Pokémon.

Le jeu n’est pour l’instant disponible qu’aux États-Unis, en Australie et en Nouvelle-Zélande, mais des utilisateurs des quatre coins de la planète, y compris au Québec, sont parvenus à télécharger l’application par une voie détournée. La date de lancement officielle du jeu au Canada n’est pas encore connue.

Même but, nouvelle manière

 

Pokémon Go fait revivre les Pokémon, ces créatures qui ont vu le jour en 1996 dans une série de jeux conçus pour la console portable Game Boy. Il s’agit de la troisième plus importante bannière de l’histoire du jeu vidéo en matière de ventes, derrière les titres de Mario — également produit par Nintendo — et le légendaire Tetris.

À l’époque comme aujourd’hui, le but du jeu est le même : attraper des Pokémon, les entraîner et les mettre à l’épreuve dans des combats. Mais avec Pokémon Go, il faut littéralement parcourir les couloirs de son bureau, les rues de son quartier ou le stationnement de son restaurant préféré pour trouver des Pokémon.

Photo: YouTube Grâce à l'application Pokémon Go, le personnage aviaire Pidgey apparaît dans le refrigérateur d'une épicerie.

Grâce à son système de géolocalisation, l’application vibre lorsque vous approchez d’un Pokémon. En dirigeant la caméra de votre téléphone mobile vers l’endroit indiqué sur la carte, vous verrez apparaître la créature à l’écran, comme si elle se trouvait réellement devant vous.

Pour ajouter au réalisme de l’affaire, vous trouverez les Pokémon « de feu » près des casernes de pompiers, les Pokémon terrestres dans les parcs et les Pokémon fantômes après la tombée de la nuit.

Succès immédiat

 

Il s’agit du deuxième jeu produit par Nintendo pour les téléphones mobiles — après le succès mitigé de Miitomo — et une toute première incursion dans le monde de la réalité augmentée, qui se démocratise ainsi plus que jamais.

En l’espace de quelques jours seulement, Pokémon Go a été téléchargé plus souvent que la populaire application de rencontre Tinder et trône au sommet du classement des applications les plus téléchargées de l’Apple Store aux États-Unis, toutes catégories confondues.

Le jeu a dopé la valeur boursière de Nintendo, qui a vu son action grimper de plus de 20 % lundi, après un gain de 9 % vendredi.

« Pokémon Go, c’est probablement une machine à imprimer de l’argent pour Nintendo », affirme le critique de jeux vidéo Denis Talbot, qui estime que la compagnie fera résonner la caisse grâce aux microtransactions effectuées sur l’application par les joueurs qui veulent obtenir des fonctionnalités supplémentaires.

« Tous ceux qui ont grandi avec les consoles Nintendo vont renouer avec cette franchise-là », tandis que les autres vont la découvrir, prédit-il. « Si vous avez des enfants, c’est sûr que vous allez perdre votre téléphone », dit-il en riant.

Dérives potentielles

 

Déambuler dans les rues, les yeux rivés sur son téléphone, n’est cependant pas sans danger. En moins d’une semaine, l’application a déjà provoqué son lot d’incidents inusités ou carrément inquiétants.

Au Wyoming, les autorités enquêtent sur le cas d’une jeune femme qui a trouvé un cadavre en bordure d’un cours d’eau alors qu’elle cherchait un Pokémon. La police d’Omaha, au Missouri, a quant à elle fait état de voleurs qui ont utilisé l’application pour tromper leurs victimes en les attirant vers des lieux éloignés, tandis que le Bureau de la sécurité routière du Tennessee a rappelé aux automobilistes, par le biais d’un message publié sur Twitter, de ne pas jouer en conduisant.

L’application rappelle aux utilisateurs de toujours rester attentifs et de regarder autour d’eux. Mais les utilisateurs admettent qu’il est facile d’oublier ce qui nous entoure lorsqu’on se laisse prendre au jeu. Et comme les Pokémon peuvent se trouver n’importe où, les dérives potentielles sont nombreuses. En Australie et aux États-Unis, plusieurs établissements ont senti le besoin d’apposer des affiches pour interdire aux gens de s’aventurer trop loin. Plus près de nous, l’Agence métropolitaine de transport a profité de l’engouement actuel pour publier sur Facebook une photo montrant un Pokémon près d’un chemin de fer, afin de rappeler les règles de sécurité en vigueur. Aucun incident relié à l’application n’a été rapporté pour l’instant, a précisé la porte-parole Caroline Julie Fortin.

« Je pense que c’est un bon coup de Nintendo, mais ils n’ont pas pensé à tout, remarque Jonathan Ouellette, 25 ans, qui utilise l’application depuis quelques jours. Je pense qu’il devrait y avoir des améliorations pour éviter qu’il y ait des accidents. »

Va jouer dehors !

En attendant la sortie officielle de l’application au Québec, les internautes s’organisent déjà en groupes, sur Facebook ou ailleurs. Guillaume, 25 ans, a par exemple créé le groupe « Pokémon GO QC », sur lequel les membres peuvent échanger des conseils ou pointer des lieux à visiter.

« Je trouve que le jeu est avant-gardiste, raconte celui qui a récemment visité Laval, Saint-Jérôme, Saint-Sauveur et Sainte-Adèle à la recherche de Pokémon. Je suis certain que ça va exploser quand l’application va être officiellement lancée ici. »

Selon le critique Denis Talbot, Pokémon Go doit son succès au fait qu’il introduit une toute nouvelle manière de jouer. « Ça fait quinze ans que nos parents nous demandent d’aller jouer dehors. Avec ça, je suis certain que les enfants vont y aller. »

Véronique Tremblay compte elle aussi poursuivre sa quête dès qu’elle le pourra, en joignant cette fois l’utile à l’agréable. « Mon chum et moi, on s’est dit que la prochaine fois, on mettrait nos vêtements de sport et on irait faire notre jogging en arrêtant quand il y a des Pokémon, confie-t-elle. Je faisais du jogging peut-être une fois par semaine, mais maintenant je vais sans doute en faire plus souvent ! »

Pokémon Go, c’est probablement une machine à imprimer de l’argent pour Nintendo

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