Pas d’accommodement raisonnable sur les poignées de main

En Suisse, le canton de Bâle-Campagne a annulé une dispense accordée à deux écoliers musulmans de Therwil qui refusaient de serrer la main de leur professeure. Des sanctions sont maintenant prévues en cas de refus.
Épilogue sous forme de rétropédalage dans « l’affaire de la poignée de main ». Mercredi, les autorités de Bâle-Campagne ont supprimé la dispense provisoire accordée par un collège de Therwil à deux élèves musulmans, de 14 et 15 ans, qui refusaient de serrer la main de leur professeure. Après avoir mené une analyse juridique à la demande de l’établissement secondaire, le gouvernement a conclu qu’une « enseignante peut exiger la poignée de main » dans le cadre scolaire.
Dans un communiqué bilingue français et allemand, le Département de l’instruction publique (DIP) précise que « l’intérêt public concernant l’égalité entre femme et homme aussi bien que l’intégration l’emportent sur la liberté de croyance des élèves ». Et d’ajouter que cette dernière liberté est « limitée par les droits et libertés d’autrui ».
Sans édicter de nouvelle règle, les autorités ont tenu à définir un cadre valable, à l’avenir, pour tous les établissements du canton. Le règlement intermédiaire de l’école de Therwil, qui autorisait les deux élèves à ne serrer la main d’aucun enseignant, a donc été abrogé dans la foulée. En cas de refus, les parents des récalcitrants encourent désormais des sanctions : un avertissement, voire une amende pouvant atteindre 5000 francs suisses. D’autres mesures disciplinaires envers les élèves sont également envisagées.
Débordant largement le cadre scolaire, « le cas de Therwil pose la question de l’intégration dans la société », estime Deborah Murith, chef de communication au DIP. Le communiqué ajoute ainsi que les écoles pourront désormais « signaler des problèmes liés à l’intégration à l’Office des migrations ». Difficile toutefois d’obtenir un exemple concret de ces éventuels problèmes : « L’appréciation est laissée à l’enseignant. »
« En avril dernier, les deux adolescents, scolarisés dans l’établissement de Känelmatt, avaient subitement décliné tout contact physique avec leur enseignante pour des motifs religieux », rappelle Deborah Murith. Leur foi leur interdisait, selon eux, de toucher la main d’une femme si celle-ci n’était pas leur épouse ou une membre de leur famille. La décision de la direction avait alors provoqué une polémique d’ampleur nationale.
La ministre de la Justice elle-même, Simonetta Sommaruga, avait réagi sur les ondes de la SRF : « Serrer la main fait partie de notre culture et de notre quotidien. Ce n’est pas l’idée que je me fais de l’intégration. » « La résolution de cette affaire très émotionnelle a été court-circuitée par une extrême médiatisation, temporise Deborah Murith. La dispense n’a été octroyée qu’à court terme, en attendant l’expertise cantonale. »
Intolérance
Saïda Keller-Messahli, présidente du Forum pour un islam progressiste, salue une « décision juste et courageuse » qui fait barrage à l’islam politique en Suisse. « Le refus de serrer la main d’une femme est un des symptômes de l’islam politique qui veut la séparation des sexes dans tous les domaines de la vie publique, qui veut le foulard pour les filles, qui veut voiler les femmes et leur assigner une place secondaire dans les mosquées et dans l’espace public. » Doit-on y voir un signe de radicalisation ? « Il peut l’être selon les circonstances et les personnes impliquées. Ici, nous avons affaire à deux garçons qui ont été manipulés par des islamistes. » À ses yeux, la décision bâloise ne va pas trop loin. « Toute règle doit être assortie de sanctions en cas de transgression. Il ne faut pas tolérer l’intolérance. Il ne faut pas céder aux revendications des milieux islamistes. »
Pour Georges Pasquier, président du Syndicat des enseignants romands, cette « décision venue d’en haut » ne règle pas le fond du problème. « L’école est l’un des derniers bastions du vivre-ensemble. Faire accepter les valeurs d’un pays est un travail de longue haleine qui passe avant tout par le dialogue. Dans ce cas, l’affaire a pris une tournure politique. Écartelées entre laxisme et intransigeance, les autorités ont opté pour un serrage de vis. »
L’avis de droit de Bâle-Campagne pourrait faire office de précédent, mais pas de jurisprudence — comme dans le cas du port du voile ou de l’absence de cours de natation.