Les travailleurs du taxi maintiennent la pression

Quelle que soit la décision d’Uber quant à l’avenir de ses activités au Québec, les travailleurs du taxi poursuivent les procédures juridiques déjà entreprises contre la société californienne et pressent le gouvernement Couillard d’adopter « le plus rapidement possible » son projet de loi 100 et de l’appliquer.
Trois jours après le dépôt du projet de loi, salué par l’industrie mais critiqué par certains qui le voient comme une occasion ratée d’aborder des enjeux plus larges, comme la mobilité urbaine et l’innovation, 300 membres du Regroupement des travailleurs autonomes Métallos (RTAM) se sont réunis en assemblée à Montréal pour faire le point sur certains éléments.
Le RTAM a notamment décidé de demander à Québec de retirer la disposition portant sur la modulation des tarifs en fonction de l’achalandage. Lors d’une conférence de presse tenue pendant la pause de l’assemblée, son porte-parole a tenu à aborder le sujet de l’économie du partage.
« Uber, ce n’est pas l’économie du partage. C’est du capitalisme pur. Lorsqu’on prend de l’argent et qu’on l’envoie dans les paradis fiscaux, ce n’est pas l’économie du partage », a dit le porte-parole du RTAM, Benoit Jugand. « Lorsqu’on surcharge et qu’on facture cinq, six, sept fois le tarif, ce n’est pas l’économie du partage. Si économie du partage il y a, le RTAM sera présent aux différentes tables de négociation. On est d’accord avec le principe, mais on tient à rappeler au gouvernement qu’Uber, c’est du taxi. »
Offensive
Le projet de loi a pour effet d’imposer à Uber l’obligation de se conformer aux règles de fonctionnement de l’industrie du taxi. L’entreprise américaine, qui ne paie pas d’impôts au Québec, devra notamment percevoir la TPS et la TVQ, et les chauffeurs devront détenir un permis de taxi.
M. Jugand a dit que le RTAM, qui affirme représenter environ 4000 membres dans le taxi et le camionnage, a soumis 31 propositions en commission parlementaire et que le gouvernement en a retenu 18.
Le RTAM a déjà lancé deux procédures contre Uber, soit une demande d’injonction permanente et une demande d’action collective. « C’est pas parce qu’Uber quitte demain, ou si un jour ils décident de respecter la loi, que tout à coup l’argent volé ou pris illégalement dans les poches des chauffeurs de taxi va leur revenir », a dit Me Marc-André Cloutier, fondateur de Juripop. Il souhaite une date de procès d’ici la fin de l’été ou le début de l’automne.
Au conseil général du Parti libéral, tenu en fin de semaine à Drummondville, le ministre Daoust a dit samedi que le projet de loi « n’est certainement pas l’idéal », mais que personne n’a proposé autre chose. Dimanche, le premier ministre Couillard a annoncé un chantier sur l’économie du partage.
« Mission accomplie »
L’assemblée des travailleurs du taxi s’est déroulée à huis clos, à l’exception d’une courte introduction à laquelle les médias ont pu assister. Au plaisir des membres, M. Jugand a affirmé que « la mobilisation, c’est ce qui a fait en sorte qu’on a pu faire comprendre au gouvernement qu’on est une industrie qui doit être respectée ». La bataille n’est pas gagnée pour autant, a-t-il convenu en point de presse.
Vingt-quatre heures avant le dépôt du projet de loi 100, un juge de la Cour supérieure a estimé qu’au sens de la loi, Uber fonctionne comme un service de taxi. Le juge Guy Cournoyer se penchait sur un litige entre l’entreprise californienne et Revenu Québec au sujet de la saisie de données auprès de la compagnie en 2015. Ainsi, le juge a écrit que, compte tenu des « faits qui lui étaient présentés, le juge ayant délivré les mandats de perquisition pouvait donc conclure qu’il existait des éléments de preuve pouvant justifier la conclusion qu’Uber avait commis les infractions fiscales alléguées ».
Le juge a ajouté que « la Loi concernant les services de transport par taxi définit clairement le transport par taxi lorsqu’elle prévoit que le transport rémunéré de personnes à l’aide d’une automobile doit être autorisé par un permis ».