À la défense des détenues de Leclerc

Les détenues incarcérées depuis février à l’Établissement de détention Leclerc de Laval sont maintenues dans des conditions qui ne sont pas adaptées à leurs besoins et qui manquent tout à fait d’humanité, dénoncent des religieuses.
Au nom des Soeurs de l’Institut Notre-Dame du Bon-Conseil de Montréal, soeur Lorette Langlais explique dans une lettre datée du 12 avril adressée au ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, que son « groupe est préoccupé par les questions de justice sociale et en particulier des situations qui oppriment des femmes ». Elles observent une inquiétante dégradation des conditions de vie des détenues en raison d’une « campagne d’austérité ».

Dans leur lettre obtenue par Le Devoir, les religieuses s’inquiètent de « la situation des prisonnières » déménagées à Montréal de la Maison Tanguay vers l’Établissement de détention Leclerc de Laval, « sans une préparation adéquate et sans tenir compte des droits fondamentaux ».
Soeur Langlais explique en entrevue n’avoir reçu aucun accusé de réception du ministre de la Sécurité publique, Martin Coiteux, ni de son sous-ministre, Jean-François Longtin. « Dans notre lettre, c’est pourtant très clair qu’on voulait avoir des réponses », précise-t-elle.
Le Devoir n’a pu obtenir mercredi des réactions de la part du ministère dirigé par M. Coiteux.
Conditions misérables
Le 19 avril, soeur Marguerite Rivard, bénévole à l’Établissement Leclerc pour les femmes, a aussi écrit au sous-ministre Longtin à la suite de sa rencontre fortuite dans l’institution. En entrevue, la religieuse affirme que le sous-ministre lui a demandé lors d’une rencontre le 11 mars « de dire aux femmes de se calmer un peu pour les plaintes ». Il aurait aussi ajouté : « Maintenant, vous aurez une connexion directe avec le sous-ministre. » Dans la lettre qu’elle lui a adressée par la suite, la soeur de l’Ordre des Vierges consacrées franciscaines écrit : « En écoutant les confidences des femmes que je rencontre, je comprends que c’est tout ce projet qui est inacceptable. »
Soeur Marguerite Rivard observe que les prévenues autant que les femmes qui purgent une peine sous la gouverne de la loi provinciale se trouvent dans les faits maintenues dans les conditions d’un pénitencier fédéral destiné à des peines beaucoup plus sévères. « Toute la structure de la maison est conçue en fonction des normes d’un établissement de sécurité de “haut niveau” : barreaux partout, mesures sécuritaires des déplacements des personnes incarcérées, des fouilles de tous genres, interdiction d’appareils dans les cellules, enfermements prolongés et répétés dans les cellules. » Tout cela, écrit-elle, alourdit sans raison la vie et le travail fait en prison.
La religieuse rappelle qu’on a promis aux prisonnières les mêmes droits qu’à l’ancienne prison Tanguay. « Il n’en est rien. »
Absence de téléviseur dans les cellules, écho important dans la salle commune, impossibilité d’emprunter des livres et des revues à la bibliothèque autrement qu’au compte-gouttes, impossibilité de travailler aux cuisines comme avant, des douches sans intimité, absence de vêtements, accès limité à des produits d’usage féminin, et transport en commun déficient pour quitter le centre de détention ou y accéder sont au nombre des problèmes relevés par cette habituée des lieux qu’est soeur Rivard.
Tout comme les Soeurs Notre-Dame du Bon-Conseil, soeur Rivard n’a reçu aucune nouvelle du sous-ministre ni même un accusé de réception. Ces religieuses ne se connaissent pas entre elles.
Les plus vulnérables
« Cette déplorable situation illustre bien la campagne d’austérité menée par votre gouvernement, par des décisions qui atteignent les plus vulnérables de notre société », en particulier les femmes, estiment les religieuses de l’Institut Notre-Dame du Bon-Conseil dans leur lettre au ministre Coiteux. Selon elles, « diminuer les services » conduit à nuire « à la santé et à la réhabilitation ». Les méthodes utilisées à l’égard des femmes ne sont pas adaptées à leurs besoins, disent-elles. « Il nous apparaît urgent de promouvoir un environnement protecteur où les personnes détenues sont traitées avec humanité et où leurs droits et leur dignité sont respectés. »
En entrevue au Devoir, soeur Langlais dit avoir conscientisé d’autres communautés aux conditions faites aux prisonnières au nom d’une « campagne d’austérité ». « Je sais que d’autres communautés doivent aussi écrire. »
Soeur Lorette Langlais ne s’explique pas l’indifférence du gouvernement à l’égard des prisonnières. « Quand on travaille proche du monde, on ne peut pas passer à côté de ça, dit-elle. Mais quand tu es loin du monde, tu l’ignores. »