
Le monopole d’une poignée de réseaux sociaux, l’infonuagique et les servitudes imposées aux internautes par quelques entreprises privées sont en train de tuer la créativité, tout comme la sécurité et la vie privée en ligne, estime l’inventeur du Web, Tim Berners-Lee.
De passage à Montréal mercredi, dans le cadre de la 25e Conférence internationale du World Wide Web, WWW 2016, l’homme a d’ailleurs appelé à une refondation complète de l’Internet pour en refaire cet outil de partage ouvert, décentralisé et stimulant qu’il n’aurait jamais dû cesser d’être.
« L’actuelle génération du Web [que Tim Berners-Lee a imaginé et mis au monde au début des années 90, alors qu’il était employé par le Conseil européen pour la recherche nucléaire] doit désormais faire place à une nouvelle plateforme, qui va faire naître la prochaine plateforme » de partage de l’information en réseau, a indiqué l’illustre informaticien, aujourd’hui professeur à la School of Electronics and Computer Science de l’Université de Southampton en Grande-Bretagne.
L’homme est optimiste, mais il voit également très bien les failles qui se sont formées sur son réseau, et ce, sous la dictature, entre autres, des Facebook, Twitter, LinkedIn et consorts, qui sont en train de tuer l’innovation, la richesse et le partage sous couvert de convivialité, d’interconnectivité sociale et de divertissement, dit-il.
Ces réseaux transforment les internautes « en télézards [couch potatos], à nouveau », estime M. Berners-Lee. « Ils nous enferment dans la facilité et la passivité » tout en cultivant cet Internet fonctionnant en silos dans lequel le partage, la collaboration, l’ouverture sur le savoir et sur le monde ne peuvent, du coup, être qu’illusoire, ajoute-t-il.
Centralisation néfaste
La centralisation des nouvelles habitudes numériques, entre les mains d’une petite caste de fournisseurs de services, est d’ailleurs néfaste à plus d’un titre, a indiqué Tim Berners-Lee que le gouvernement britannique a nommé récemment gardien de la neutralité de l’Internet, particulièrement lorsqu’il est question de sécurité et de protection de la vie privée. « L’architecture de l’Internet doit être repensée pour renforcer le droit des internautes sur leurs données personnelles, dit-il. Lorsque vous mettez une partie de ces données dans l’infonuagique [c’est ce qui se passe avec des services comme Facebook, Gmail, Dropbox et autres services connectés sur plusieurs appareils], vous devez vous battre pour revendiquer vos droits sur ces données. Une serrure [pour accéder à ses données personnelles] placée sur un serveur distant [appartenant à une entreprise californienne, à titre d’exemple] représente un risque inutile »,ajoute-t-il, tout en militant pour que ces données personnelles et ces clefs soient à l’avenir la seule propriété et le seul privilège des internautes.
Un appel à peine caché à la révolution, à un profond changement de paradigme, à l’écouter, puisque « l’Internet monopolisé par les gouvernements et les compagnies privées », plutôt que par les citoyens, assure, selon lui, un environnement parfait non pas pour changer le monde de la connaissance, comme il l’a rêvé, mais pour « tuer l’innovation » par la contrainte et la soumission…
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David Létourneau - Inscrit 14 avril 2016 05 h 08
"Télézards"... quel joli mot qui ne veut rien dire!
Berners-Lee est une sorte de héros espagnol, bien sympathique au demeurant mais incroyablement myope devant les moulins à vent. Ça va mal finir, son histoire... Le meilleur moyen de se prémunir des rapaces de l'Internet, c'est encore d'arrêter de venir sur Internet, à mon humble avis. Et j'y pense, l'expression "inventeur du Web" me titille... je sais bien que c'est la version dite officielle de l'Histoire, mais y a-t-il vraiment quelqu'un ici qui met encore en doute la plus-value militaire de ce projet de surveillance de masse? Innovation ou pas... Le jour où ça va basculer du côté obscur, si ce n'est déjà fait... Enfin, bref, un sympathique personnage. Si je me fie à cet article du moins. Un beau projet irréaliste. Une totale cécité. Un héros comme je les aime!
Emmanuel Rousseau - Inscrit 14 avril 2016 10 h 18
Tout projet commence par un rêve qui parfois semble utopique. Si M. Berners-Lee a pu faire parti de l'escouade qui a imaginé internet c'est qu'il avait les qualités pour le faire, dont notamment de croire en ses rêves et vouloir les réaliser.
Il ne s'est pas écrasé, dans un cynisme crasse en se disant "bof, à quoi bon, ça marchera pas".