De la pédagogie sociale pour les habitants de Parc-Extension

Réginald Harvey Collaboration spéciale
Au départ, seuls les étudiants en orthopédagogie étaient impliqués, mais rapidement, les élèves de l’École d’optométrie et de la Faculté de médecine dentaire se sont investis.
Photo: Tatyana Tomsickova Getty Images Au départ, seuls les étudiants en orthopédagogie étaient impliqués, mais rapidement, les élèves de l’École d’optométrie et de la Faculté de médecine dentaire se sont investis.

Ce texte fait partie du cahier spécial Innovation sociale mars 2016

Il était une fois un établissement universitaire de grande renommée possédant dans ses murs des trésors de connaissances. Il était une fois, jouxtant ces lieux de grand savoir, un quartier plutôt défavorisé mais riche d’humanité. Un jour, les savants de l’Université de Montréal tendirent la main aux gens de Parc-Extension : c’est ainsi qu’il y a peu de temps naquit le projet L’extension, un centre interfacultaire de soutien en pédagogie et en santé.

Il est bien connu que le Dr Julien « vient en aide à des enfants vivant dans des conditions de grande vulnérabilité ». À leur tour, des universitaires ont choisi de lui emboîter le pas, comme le fait valoir la doyenne de la Faculté des sciences de l’éducation de l’Université de Montréal, Louise Poirier. Elle cerne la nature même du projet : « Je dirais que le centre est tourné vers la pédagogie sociale plutôt que la pédiatrie sociale et, pour nous, c’est l’élève qui est au coeur de notre action. »

S’ensuivent ces explications sur les interventions qui se sont déroulées pour la première fois il y a un an : « Le centre se tourne vers les élèves, particulièrement ceux qui sont en difficulté d’apprentissage et qui sont de plus en plus nombreux. On forme des étudiants qui travaillent avec eux. » Il y a plus, comme le démontre le rapport d’activités 2014-2015 : L’extension envoie sur le terrain une équipe interdisciplinaire dont font partie des professionnels de l’enseignement (orthopédagogues), mais aussi de la santé (optométristes et dentistes). Ces gens-là travaillent en collaboration auprès des enfants et de leurs familles.

Pour l’instant, le centre est logé dans l’école primaire Barclay de la Commission scolaire de Montréal (CSDM) ; elle est située en plein coeur du quartier, là où se déroulent les interventions et les consultations. Mme Poirier fournit ces détails : « Au départ, il y avait seulement les étudiants en orthopédagogie qui étaient impliqués, mais rapidement, à force d’en parler aux collègues doyens, deux d’entre eux ont levé la main et manifesté leur intention d’intervenir ; ce sont ceux de l’École d’optométrie et de la Faculté de médecine dentaire. » Pour le moment, faute d’espaces plus adaptés, seuls les élèves du primaire sont visés, mais les démarches vont bon train pour que le centre possède ses propres locaux dans sa phase deux : « À ce moment-là, on s’adressera aux élèves du primaire, du secondaire et même aux étudiants du collégial. Pour l’instant, on s’en tient à Barclay et on pense bien se diriger vers d’autres écoles du quartier l’an prochain. »

Les trois volets de l’aide apportée

Pour leur part, les élèves en difficulté sont suivis durant tout un semestre universitaire, soit environ 12 semaines à raison d’une heure par semaine. C’est toujours la même personne, une étudiante à la maîtrise en orthopédagogie, qui s’occupe d’eux. En optométrie, Mme Poirier dresse ce bilan de la pratique : « Depuis un an, ils ont évalué la vision de 200 jeunes, dont 69 avaient besoin soit de lunettes soit d’exercices correcteurs. Les lunettes sont fournies gratuitement parce que c’est cela qui est coûteux et parce que les parents n’ont pas les sous pour les acheter. »

Elle évoque ensuite la médecine dentaire : « Ils ont une entente avec le CLSC du quartier en vertu de laquelle les activités de prévention auprès des enfants sont couvertes par l’assurance maladie jusqu’à l’âge de huit ans. Nous, on prend le relais à partir de l’âge de neuf ans. »

Plus tard, un axe de recherche s’inscrira dans les mandats du centre : « Il était clair qu’on ne voulait pas en faire dès le début, car il y a un temps d’apprivoisement qui doit se dérouler pour qu’on apprenne à se connaître mutuellement. Mais on en fera, ne serait-ce qu’effectuer un suivi auprès des élèves pour s’assurer que nos actions portent leurs fruits d’une année à l’autre et qu’on réussit à les soutenir. »
 

Un bilan sommaire, mais positif

Il est encore tôt, à peine un an après le début des activités, pour évaluer concrètement leurs impacts, avoue la doyenne : « Mais ça se passe très bien. Pour un enfant qui voit mal et à qui on donne une paire de lunettes pour mieux voir, il est certain que la retombée est immédiate, pour lui et ses parents. Il en va de même pour les enfants en médecine dentaire ; il y aura même pour les cas les plus lourds des traitements d’orthodontie gratuits. Du côté de l’orthopédagogie, il faudra du temps pour mesurer les résultats parce que ce sont des actions qui se situent sur une plus longue période ; on ne corrigera pas les difficultés d’apprentissage en français en l’espace de deux semaines. » Dans ce cas, les étudiants comme les enfants puisent un enrichissement dans l’expérience vécue.

Le bon voisinage UdeM et Parc-Extension

 

Louise Poirier, dans le but de mieux connaître le quartier et la population de Parc-Extension, a fait partie du conseil d’administration de la Corporation de développement économique communautaire (CDEC, aujourd’hui disparue) de l’arrondissement Villeray–Saint-Michel–Parc-Extension et du CSSS de la Montagne (disparu lui aussi) : « J’ai été en mesure de mieux saisir les besoins des gens et, par la suite, ce sont même eux qui nous ont aidés à trouver un local. Il y a des dirigeants politiques du milieu qui arrivaient difficilement à croire qu’une grande université vienne travailler avec leurs enfants. Un certain M. Trudeau, alors député de l’opposition, nous a même fourni une lettre d’approbation. »

À la fois fière des appuis récoltés et portée par le soutien du quartier, elle se tourne vers d’autres projets à réaliser : « On aimerait avoir notre lieu à nous où on pourra s’installer et élargir nos interventions. » Des démarches sont déjà entreprises dans ce sens et une entente est même intervenue avec l’École d’orthophonie et d’audiologie : « L’École d’ergothérapie et les sciences infirmières veulent aussi participer. En fait, je dirais qu’il n’y a pas une faculté de l’Université de Montréal qui ne veut pas être présente : Parc-Extension, c’est notre voisin, et la Faculté des sciences de l’éducation est située à deux stations de métro de lui. »

Et une fois que le centre aura été bien installé dans des locaux convenables, « mon autre projet, qui se situe davantage du côté scolaire, ce serait de faire un camp de jour en été pour faire l’école autrement. » Déjà, la Faculté de musique et le Département de kinésiologie et d’éducation physique embarquent dans l’aventure.

Ce contenu spécial a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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