La Fondation Lucie et André Chagnon largue le gouvernement du Québec

La fin du « partenariat » entre la Fondation Lucie et André Chagnon et le gouvernement du Québec se traduira également par la fin des activités de l’OBNL Québec en forme, dont la mission est d’encourager l’activité physique auprès des jeunes.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir La fin du « partenariat » entre la Fondation Lucie et André Chagnon et le gouvernement du Québec se traduira également par la fin des activités de l’OBNL Québec en forme, dont la mission est d’encourager l’activité physique auprès des jeunes.

La coalition Non aux PPP sociaux demande au gouvernement libéral de prêter main-forte aux organismes qui seront laissés en plan après le retrait de la Fondation Lucie et André Chagnon de Québec en forme et d’Avenir d’enfants en 2017 et en 2019.

Au terme de « discussions » avec le gouvernement du Québec, la fondation privée « est arrivée à la conclusion de ne pas renouveler » le financement des deux organisations à but non lucratif (OBNL) pour lesquelles elle s’est engagée à investir un total de 450 millions de dollars. « On est rendus à une autre étape », a dit sans détour le vice-président Stratégie et partenariats à la Fondation Lucie et André Chagnon, Jean-Marc Chouinard, dans un entretien téléphonique avec Le Devoir lundi.

« Qu’est-ce qui va arriver après ? Maintenant que vous avez créé des besoins, créé des attentes, qu’est ce que vous allez faire pour soutenir les initiatives qui sont en place ? », a affirmé de son côté la porte-parole de la coalition Non aux PPP sociaux, Nancy Harvey. « Dans le contexte actuel de coupes, avec les mesures d’austérité [frappant] les services publics [et] les programmes sociaux, les gens sont très, très, très inquiets », a-t-elle souligné au Devoir. Elle sollicite une rencontre avec le ministère de la Santé, le ministère de la Famille ainsi que le ministère de l’Éducation afin de trouver des pistes de solution.

Une fondation privée ne devrait pas se mêler des grandes orientations dans le social au Québec [...]. Ils ont de très bonnes intentions, mais ils ont une très grande prétention. Ils manquent beaucoup d'humilité.

La Fondation Lucie et André Chagnon s’était engagée à injecter 25 millions par année de 2009 à 2019 dans Avenir d’enfants, qui a été chargé de stimuler « la réalisation d’activités, de projets et d’initiatives qui contribueront au développement des enfants âgés de cinq ans et moins vivant en situation de pauvreté ».

M. Chouinard n’était pas en mesure de confirmer au Devoir lundi que la Fondation aura bel et bien dépensé 250 millions au terme de l’entente, qui prévoyait l’injection de 15 millions de dollars par an du gouvernement du Québec (150 millions au total). « C’est un objectif. […] On ne pense pas nécessairement que ça va être impossible », a-t-il répondu, convenant toutefois que le « démarrage » des activités a nécessité « plus de temps que [le calendrier] des versements [d’argent] prévus ».

Qui plus est, moins de la moitié de l’argent versé dans Avenir d’enfants entre 2009 et 2014 — 42 sur 95 millions — a été investi dans les communautés, a révélé Radio-Canada lundi. L’OBNL a dépensé près de 27 millions de dollars seulement en salaires à ses employés, a fait remarquer le diffuseur public.

Ces personnes « facilitaient », « renforçaient » la « collaboration » entre les acteurs sur le terrain, a soutenu M. Chouinard. « Pour nous, ce n’est pas un frais administratif. Pour nous, c’est un frais de programme. »

La fin du « partenariat » entre la Fondation Lucie et André Chagnon et le gouvernement du Québec se traduira également par la fin des activités de l’OBNL Québec en forme, dont la mission est d’encourager l’activité physique auprès des jeunes. Les deux parties s’étaient entendues pour investir 200 millions chacune, et ce, entre 2007 et 2017. M. Chouinard a « bon espoir d’atteindre la cible [ou] de ne pas être très loin en tout cas ».

Moins d’« autonomie »

La coalition Non aux PPP sociaux — qui dénonce l’influence d’acteurs issus du secteur privé sur les stratégies gouvernementales, notamment en matière de lutte contre la pauvreté — se réjouit de la fin de ces deux « partenariats public-philanthropie » mis en branle en 2007 et en 2009. « Une fondation privée ne devrait pas se mêler des grandes orientations dans le social au Québec », a affirmé Mme Harvey avant d’ajouter : « Ils ont de très bonnes intentions, mais ils ont une très grande prétention. Ils manquent beaucoup d’humilité. » La Fondation a « grandement modifié les priorités d’actions » d’organismes communautaires au fil des dernières années. « Un groupe communautaire n’aurait jamais fait d’ateliers avec ses enfants en halte-garderie sur le développement de la [psychomotricité]. Québec en forme tripait là-dessus. […] Je ne dis pas que ce n’est pas bien de faire ce genre d’ateliers là. [Mais] ce n’est pas nécessairement la priorité que le groupe aurait choisi de faire », a-t-elle expliqué.

La porte-parole du Regroupement des organismes communautaires famille de Montréal appelle néanmoins à la tenue d’un « débat » sur « la place de la philanthropie dans les affaires sociales au Québec ». « Ce n’est pas parce que ces PPP se terminent sur ce modèle qu’il n’y en aura pas d’autres. »

L’accueil pour le moins tiède des organismes d’aide aux initiatives Québec en forme et Avenir d’enfants ne laisse pas un « goût amer » à la Fondation Lucie et André Chagnon. « Est-ce qu’il y a matière à amélioration ? Toujours ! »

La fondation privée est aujourd’hui dotée d’un actif oscillant entre 1,7 et 1,8 milliard de dollars, c’est-à-dire 300 à 400 millions de plus que la mise initiale d’André et Lucie Chagnon après la vente de Vidéotron (1,4 milliard).

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