Le coroner appelle à une meilleure formation policière et à davantage de Taser

Les policiers devraient bénéficier d’une meilleure formation en santé mentale et d’un plus grand accès à des pistolets Taser. C’est ce qui ressort des 14 recommandations du rapport de l’enquête publique sur la mort de l’itinérant Alain Magloire.
L’intervention policière du 3 février 2014 lors de laquelle Alain Magloire a été abattu par un agent du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) « a été correcte, mais sans plus », écrit le coroner Luc Malouin, qui présidait l’enquête publique. « La communication était clairement déficiente entre les policiers et M. Magloire. Ça ne donne rien de crier, on l’a bien vu », lance-t-il en entrevue au Devoir.
Les policiers auraient dû rapidement demander l’aide de services médicaux ainsi qu’un Taser, croit-il. « Ils ont juste demandé du renfort sur les ondes, ils n’ont pas eu le bon réflexe. »
À ses yeux, la situation aurait été bien différente si les agents du SPVM avaient été mieux préparés à une telle situation. Il recommande ainsi au ministère de l’Éducation et à celui de la Sécurité publique de revoir la formation des policiers au niveau collégial et à l’École nationale de police de Nicolet, en axant davantage sur les problèmes en santé mentale.
« Ça s’apprend l’empathie, baisser la voix pour aider la personne en détresse. Il faut leur apprendre à mieux communiquer et à mieux gérer leur stress », explique le coroner.
Il estime primordial qu’un agent RIC (réponse en intervention de crise) soit présent dans chaque voiture de patrouille. « À terme, il faudrait les former tous, mais ça se fera peut-être plus tard. »
À ses yeux, les policiers devraient également obtenir une formation tout au long de leur carrière. « Les avocats, les médecins, les mécaniciens, ils ont tous une formation continue pour être plus performants, être à jour dans les nouvelles technologies et les nouvelles découvertes. Pourquoi on ne fait pas pareil avec les policiers ? La société évolue autour d’eux, il y a plus de problèmes d’itinérance, de personnes avec des maladies mentales, des personnes vieillissantes aussi, savent-ils comment leur parler ? », s’interroge-t-il.
Davantage de Taser et de meilleurs services de santé
Le coroner recommande également au SPVM d’augmenter le nombre d’armes à impulsion électriques sur le terrain. D’après son rapport, on compte à l’heure actuelle 75 pistolets Taser à Montréal, dont 33 seulement sur le terrain, alors que d’autres villes canadiennes en détiennent beaucoup plus : 600 à Toronto, 200 à Vancouver, et 168 à Calgary.

« Si les patrouilleurs avaient eu un Taser cela aurait pu neutraliser M. Magloire avant de devoir faire feu », croit Me Malouin.
À travers son enquête, il a également pu constater les failles du système de santé. « M. Magloire a rencontré trois professionnels de la santé dans les derniers mois de sa vie. Mais il n’y a eu aucune communication entre eux, car il n’avait pas de dossier. Avec un dossier complet, le dernier médecin aurait pu mieux évaluer les problèmes de M. Magloire », pense-t-il.
Le coroner recommande ainsi au ministère de la Santé et des Services sociaux la création d’une clinique de santé urbaine pour venir en aide aux itinérants et aux personnes souffrant de maladies mentales.
Pierre Magloire content
De son côté, le frère d’Alain Magloire, Pierre Magloire, s’est dit « content » des recommandations de Me Malouin. « Il faut apprendre à communiquer avec les gens qui ont des problèmes de santé mentale avant tout. Les policiers devraient adopter une approche plus humaniste plutôt qu’une attitude contrôlante et autoritaire. Si ça ne fonctionne pas, là le Taser peut entrer en compte, et Alain serait encore en vie », confie-t-il.
M. Magloire reste toutefois sceptique. « Est-ce que le gouvernement va donner les ressources nécessaires pour les formations ? On le voit, l’éducation n’est pas sa priorité, c’est plutôt les coupures. »
De son côté, Me Malouin souligne dans son rapport que ce n’est pas la première fois que de telles recommandations sont faites par un coroner. « Il faut insister, encore et encore avant que ça bouge vraiment. Ça peut être long, mais on va finir par faire bouger les choses », confie-t-il.
Joint lundi soir par Le Devoir, le SPVM n’a pas été en mesure de commenter les recommandations de Me Malouin. Le SPVM devrait toutefois réagir dans la journée de mardi.