Le NPD demande l’annulation de l’appel d’offres de l’armée
« Mal avisé » et « néfaste pour les libertés individuelles ». La création envisagée d’un groupe d’analystes au sein des Forces armées canadiennes afin de surveiller, de manière confidentielle, les conversations et les échanges dans les principaux réseaux sociaux est vue d’un très mauvais oeil par les défenseurs de la vie privée tout comme par le Nouveau parti démocratique (NPD). Ce dernier réclame l’annulation pure et simple de l’appel d’offres lancé par le ministère fédéral de la Défense afin de développer son pouvoir numérique d’intrusion.
Par ailleurs, tout en refusant de parler de « ses capacités en matière de renseignement de défense », l’armée canadienne s’est voulue rassurante vendredi en précisant que ses activités de surveillance des espaces numériques se faisaient « dans le respect des lois » fédérales et internationales en vigueur et qu’elle n’avait par ailleurs pas le mandat de surveiller les activités des Canadiens, a précisé au Devoir Dominique Tessier, porte-parole de la Défense nationale.
N’empêche, « les citoyens sont inquiets et ils ont raison », a indiqué vendredi en entrevue Alexandre Boulerice, porte-parole en matière d’éthique du NPD. « La question est désormais simple : le Parti libéral qui se targue d’être le parti de la Charte des droits et libertés, qui a vivement critiqué le projet de loi C-51 [portant sur des mesures antiterroristes], va-t-il laisser passer ça ? »
Selon les informations mises à jour par Le Devoir cette semaine, Ottawa, par l’entremise de son ministère de la Défense, cherche en effet à accroître ses capacités de surveillance des espaces numériques, et ce, afin d’identifier les « nouvelles instabilités », tout comme les personnes ou groupes pouvant représenter une menace pour le Canada.
Plusieurs grands réseaux internationaux et transfrontaliers sont dans sa ligne de mire, dont Facebook, Twitter, Instagram, LinkedIn et Reddit, pour ne citer qu’eux. La plateforme de surveillance que souhaitent acquérir les Forces doit être opérationnelle au plus tard en mars 2017 pour permettre la surveillance, par une quarantaine de ses analystes en même temps, des réseaux numériques et de ce qu’il s’y partage, en français, anglais, mais aussi en chinois, arabe, russe ou dari.
Elle doit permettre au Canada de mieux comprendre « les événements » qui se déroulent dans ces nouveaux espaces, d’identifier les personnes d’influence clés, de mesurer le ressenti des populations locales ou encore de « localiser l’emplacement de personnes d’intérêt », peut-on lire dans un document détaillant l’appel d’offres.
« Le NPD reconnaît la nécessité de surveiller les réseaux à l’extérieur du pays pour identifier les menaces pour le pays, dit M. Boulerice, mais si cela doit se faire au mépris des libertés civiles des Canadiens, on ne comprend pas. On semble être devant une mesure très conservatrice, une initiative très Big Brother. » Un avis partagé par David Christopher, porte-parole d’Open Media, un groupe de défense des libertés civiles au pays.
« Quand les Canadiens communiquent sur Facebook, ils croient partager des informations avec leur famille et leurs amis, pas avec des bureaucrates masqués d’Ottawa, a-t-il indiqué au Devoir. Ces nouvelles révélations mettent en lumière une nouvelle fois l’importance de se donner des barrières pour protéger notre vie privée. Les Canadiens souhaitent du nouveau gouvernement qu’il efface le legs négatif de Stephen Harper en la matière, pas qu’il l’aggrave. »
Le Parti libéral qui se targue d’être le parti de la Charte des droits et libertés, qui a vivement critiqué le projet de loi C-51, va-t-il laisser passer ça?