Mal gérés ou mal financés, les centres de désintoxication?

La maison Mélaric a fermé ses portes après 32 années d’activités, parfois marquées par des problèmes administratifs.
Photo: Centre Mélaric La maison Mélaric a fermé ses portes après 32 années d’activités, parfois marquées par des problèmes administratifs.

La fermeture abrupte de la maison de désintoxication Mélaric, dans les Laurentides, n’a pas ému la ministre déléguée à la Santé publique, Lucie Charlebois, qui a laissé entendre mardi que la fin des activités de ce centre pour alcooliques et toxicomanes s’expliquait davantage par la gestion de l’établissement que par les politiques d’austérité du gouvernement Couillard.

« Ils ont une histoire qui fait que le financement, c’est difficile. Je trouve ça dommage », a-t-elle dit à propos de la maison Mélaric, qui a fermé ses portes après 32 années d’activités, parfois marquées par des problèmes administratifs.

Le centre, qui était jusque-là le plus grand au Québec, a plutôt évoqué la réforme de l’aide sociale, qui l’aurait amputé de revenus de 350 000 $ au 30 décembre 2015, selon ses calculs.

Cette réforme a réduit la prestation mensuelle des clients de Mélaric à 200 $ lors de son entrée en vigueur, le 1er mai. Par ricochet, elle a diminué le montant pouvant être exigé aux clients du centre. Sans les versements annuels de 400 $, notamment, Mélaric dit avoir été contraint de mettre la clé sous la porte.

« Ce sont 75 personnes sur le chemin de la réinsertion qui seront jetées à la rue ou encore retournées en établissement de détention à cause de l’austérité libérale, sans compter les 16 travailleurs qui perdent leur emploi », a réagi le porte-parole de l’opposition en matière de santé publique, Jean-François Lisée, avant de dénoncer une politique qui compromet la réadaptation de milliers de personnes.

La mort à petit feu?

« Je trouve ça dommage, mais en même temps, c’est inévitable, a aussi commenté le directeur général de l’Association québécoise des centres d’intervention en dépendance (AQCID), Vincent Marcoux. Faut-il des fermetures pour que le gouvernement comprenne les impacts de sa réforme ? Ça m’inquiète de voir ce qui se passe avec le réseau. » À court terme, M. Marcoux a dit craindre les impacts de « l’état de choc » causé par la fermeture inattendue du centre. « Il y a des risques de rechute », a-t-il soutenu.

« On va les suivre [les clients] de près pour qu’ils puissent éventuellement être replacés ailleurs », a assuré la ministre Charlebois. « La marge de manoeuvre rétrécit, a plutôt commenté le secrétaire de l’Association provinciale des organismes en dépendance (APOD), Nicolas Bédard. En fermant, on envoie les gens dans les ressources qui ne sont pas pleines. Pour l’instant, ça va, parce que les taux d’inoccupation sont de 20, 25 %. Mais là, c’est le troisième centre qui ferme… »

Pour MM. Bédard et Marcoux, il ne fait aucun doute que le manque de financement des ressources d’aide aux toxicomanes tue le réseau à petit feu. « On a exigé une rencontre avec les ministres Hamad, Barrette et Charlebois. Sinon, une maison va fermer tous les deux mois », a prédit le premier.

Avec des revenus allant de 37 à 49 $ par jour pour le traitement d’un toxicomane adulte, même les centres « les mieux gérés » n’arrivent pas à joindre les deux bouts, a plaidé M. Bédard. « Dans une garderie, le gouvernement donne 60 $ pour des enfants qui mangent le tiers de ce que mes clients mangent. Si la ministre dit qu’on peut y arriver avec 49 $ par jour, alors il y a du ménage à faire dans plusieurs organisations ! »

Selon l’APOD, des allocations de 60 $ par jour pour assurer la survie des 1500lits qui accueillent de la clientèle dite « vulnérable » coûteraient 4 millions de dollars par année au gouvernement.

 

Accompagnement et financement

Aux porte-parole du milieu qui s’inquiètent d’autres fermetures à venir, la ministre a répondu que la réforme de l’aide sociale était accompagnée d’une offre d’accompagnement et d’analyse de la gestion, que seulement 20 centres ont acceptée.

Encore, elle a remis en question la gestion des finances de bon nombre d’organismes. « Pourquoi y en a-t-il qui facturent entre 400 et 500 $ à l’inscription, tandis que d’autres ne facturent rien ? Tout le monde a le même mode de financement », a-t-elle observé.

C’est faux, ont rétorqué MM. Marcoux et Bédard. Le premier a évoqué les centres qui sont soutenus par des fondations ou qui organisent des collectes de fonds. Le deuxième a affirmé que certains centres incluent des services (rapports envoyés au tribunal, transport d’admission, etc.) dans les frais d’admission, tandis que d’autres les facturent plus tard, à la pièce.

Faut-il des fermetures pour que le gouvernement comprenne les impacts de sa réforme? Ça m’inquiète de voir ce qui se passe avec le réseau.

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