Un devoir de mémoire en pleine campagne

Les années se suivent et se ressemblent tristement lorsqu’il est question de l’assassinat et de la disparition des femmes autochtones au Canada. Pour une dixième année consécutive, mais cette fois en pleine campagne électorale, quelques centaines de personnes ont pris part dimanche à la marche commémorative du 4 octobre pour rendre hommage aux nombreuses victimes de la dernière décennie.
Réunis sous un soleil éclatant, emmitouflés pour braver les premières fraîcheurs de l’automne, les participants se sont regroupés au centre du square Cabot, presque tous munis, pour l’occasion, un petit quelque chose en souvenir d’une disparue. Ici, des pancartes ornées de photographies toutes des femmes, souriantes, fixant l’objectif. Plus loin, un petit groupe distribue des étoiles en carton sur lesquelles les noms des victimes rappellent l’âge que ces dernières avaient au moment de leur disparition.
« Nous sommes encore une fois réunis aujourd’hui pour dénoncer l’invisibilité de ces femmes, a lancé avec force Alice Lepetit, de la Fédération des femmes du Québec (FFQ). Et surtout, pour qu’elles ne soient pas oubliées. Jamais. »
Après un moment de recueillement, lourdement chargé en émotion, les passants ont tranquillement quitté le square pour entreprendre une lente marche dans les rues du centre-ville montréalais, rythmée par les battements des chants et tambours autochtones.
Enquête publique
Organisée par Missing Justice, Femmes autochtones du Québec et le Centre de lutte contre l’oppression des genres, la marche a pris une connotation toute particulière, alors que la campagne électorale fédérale entreprend sa dernière ligne droite avant le jour du scrutin. Les groupes présents en ont d’ailleurs profité pour demander, une fois de plus, aux partis de s’engager à tenir une commission d’enquête publique nationale sur la question.
« On ne devrait pas être en train de se battre au sujet du niqab, a déclaré Mélissa Mollen-Dupuis, du mouvement de revendications autochtones Idle No More. Les femmes autochtones doivent reprendre leur place dans cette campagne. »
« Il est temps que le gouvernement prenne ses responsabilités et qu’ils reconnaissent que la crise que nous vivons aujourd’hui tire a des racines beaucoup plus profondes, il repose sur des causes structurelles et historiques, renchérit Alice Lepetit de la FFQ. Il est temps de briser le silence autour de la colonisation, de la tentative de destruction de ces cultures qui ont un impact encore aujourd’hui. »
À l’heure actuelle, seul le Parti conservateur refuse toujours de tenir une telle commission s’il est réélu. Ses adversaires ont, pour leur part, tous déjà indiqué qu’ils se pencheraient rapidement sur le sujet.
« Nous serons encore là pour rappeler au prochain gouvernement élu qu’il devra tenir ses promesses, a indiqué Mme Mollen-Dupuis sous les acclamations senties de la foule. J’aimerais vraiment que, l’an prochain, quand nous nous reverrons, cette commission soit derrière nous. Qu’on se rencontre dans un pow-wow pour célébrer notre culture. Que les médias cessent de parler de nous uniquement quand nous demandons de l’aide, quand nous rappelons que nous ne voulons pas mourir. »
De nombreuses vigiles se sont tenues un peu partout au pays cette fin de semaine, notamment dans l’est du Québec samedi. Une autre manifestation est prévue ce vendredi à Montréal.

Mélissa Mollen-Dupuis, du mouvement Idle No More
Source: Gendarmerie Royale du Canada, mai 2014