Près de 7000 arrestations en cinq ans

La Ligue des droits et libertés estime qu’il y a un système de «répression politique et policière».
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir La Ligue des droits et libertés estime qu’il y a un système de «répression politique et policière».

6901. Voilà le nombre d’arrestations effectuées lors des manifestations organisées au Québec depuis 2011, selon un bilan inédit dévoilé mercredi par la Ligue des droits et libertés (LDL). Celle-ci y voit la preuve de l’existence d’un « système de répression politique et policière ».

« On a voulu documenter ce qu’on percevait, c’est-à-dire l’existence d’une répression politique à l’égard de certains mouvements de contestation sociale, se traduisant par des arrestations de masse, mais aussi par une judiciarisation des manifestants », explique la coordonnatrice de la LDL, Nicole Filion. Et la compilation de données effectuée par son organisme a confirmé ses hypothèses, dit-elle.

Grâce à des recherches, des sondages et des demandes d’accès à l’information, la LDL a dénombré 5895 arrestations lors de 185 manifestations entre le 15 mars 2011 et le 8 décembre 2014. À ce nombre s’ajoutent les 1006 arrestations recensées à Montréal et à Québec entre le 15 mars et le 1er mai 2015. Sans surprise, le plus grand nombre d’arrestations (3636) a été enregistré en 2012, lors du soulèvement étudiant qui a enflammé le Québec.

Le rapport souligne qu’entre 2011 et 2014, les forces policières ont procédé à 46 arrestations de masse en prenant les manifestants en souricière. Ces opérations ont principalement eu lieu à Montréal (27 cas) et trois fois sur quatre, elles se sont produites lors d’une manifestation étudiante.

Sur les quelque 5900 arrestations survenues lors de la période 2011-2014, plus de la moitié a été justifiée par le règlement P-6, et le cinquième en invoquant le Code de la sécurité routière. La LDL a toutefois calculé que 83 % des constats d’infraction remis à Montréal en vertu de P-6 entre 2012 et 2014 se sont soldés par un arrêt des procédures, un retrait des accusations ou encore un acquittement.

« Un chiffre comme celui-là tend à démontrer que l’objectif était de mettre un terme aux manifestations », juge Mme Filion.

Rappelons qu’en février dernier, le juge Randall Richmond, de la Cour municipale de Montréal, a donné raison à trois manifestants arrêtés en mars 2013 en vertu de l’article 2.1 de P-6, qui oblige la divulgation de l’itinéraire d’une manifestation. Il a soutenu que cette obligation revenait seulement aux organisateurs, et non aux simples participants.

La coordonnatrice de la LDL juge cependant que les policiers ne sont pas les seuls à blâmer. « À notre avis, c’est une répression qui trouve son origine dans le discours des politiciens, mais aussi dans les instruments législatifs qui sont adoptés. »

Elle reconnaît que des actes violents peuvent être commis lors de certaines manifestations, mais croit que les forces de l’ordre devraient sanctionner les auteurs de ces infractions plutôt que l’ensemble des manifestants.

Par-dessus tout, Mme Filion souhaite contrer le discours ambiant qui banalise selon elle la brutalité policière. « On glisse tranquillement vers la répression, alors que nous nous trouvons devant des enjeux sociaux de taille, comme les mesures d’austérité ou les questions environnementales, affirme-t-elle. C’est d’autant plus important de faire comprendre l’importance du droit de manifester. »

Le Service de police de la Ville de Montréal n’a pas été en mesure de commenter le rapport lorsque Le Devoir l’a contacté mercredi en fin d’après-midi.



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