Les progrès se font toujours attendre pour les femmes
En choisissant de discuter des femmes dans l’Église et la société lors de son assemblée annuelle, le ministère de la Culture du Vatican a innové, mais les changements concrets en faveur de la gent féminine restent lents à venir.
Un parterre inhabituel a été réuni pour la plénière du Conseil de la culture, qui s’est tenue pendant trois jours, de jeudi à samedi : de l’actrice italienne Nancy Brilli à la directrice de la collection d’art contemporain des Musées du Vatican Micol Forti, de la championne italienne de saut en longueur Fiona May à la théologienne française Anne-Marie Pelletier.
Conformément à la volonté du cardinal italien Gianfranco Ravasi, « ministre » de la Culture du pape, tous les débats ont été animés par des femmes.
Jamais des thèmes aussi sensibles que la commercialisation du corps féminin n’avaient été traités de cette manière dans une enceinte du Vatican, et en présence d’autant de femmes.
« Le débat, très ouvert et très libre, a permis de se pencher sur la place des femmes dans la culture contemporaine, leurs blessures, la beauté de leurs particularités, leur vocation », a résumé à l’AFP le père Laurent Mazas, du Conseil de la culture.
Chirurgie esthétique
Mais le débat s’est tenu à huis clos, comme les autres plénières du passé, alors qu’il pouvait être une vitrine de « l’ouverture » chère au pape François.
L’intérêt des médias était pourtant éveillé : en qualifiant la chirurgie esthétique de « burqa de chair », le document préparatoire, rédigé par douze « consultantes », avait électrisé le débat.
Cette formule-choc, reprise par le cardinal, a aussitôt suscité les critiques : de l’actrice Nancy Brilli à l’association italienne de chirurgie plastique, qui a défendu « la chirurgie esthétique, science et art au bénéfice de l’humanité ».
Un autre thème sensible a été « la recherche de nouvelles formes de participation des femmes à la vie de l’Église ».
Le pape François, depuis son élection en 2013, a souhaité une plus grande implication des femmes dans la prise de décision, et salué le « génie » féminin, notamment dans la théologie. Tout en rejetant sans appel une demande de l’aile progressiste de l’Église pour une ordination des femmes.
Les vaticanistes relativisaient la portée de ce débat pour parvenir à un réel changement dans un Vatican dominé par les hommes : « le changement, ce sont davantage de colloques, et ça ne coûte rien », ironisait l’un d’eux.
« Les femmes sont devenues à la mode à cause de l’accent que met le pape sur leur rôle. Il s’agit de faire bonne figure devant le pape », relevait un autre.
Lucetta Scaraffia, éditorialiste du quotidien du Vatican L’Osservatore Romano, et connue pour ses plaidoyers pour une place concrète plus grande des femmes, juge quand même « positif le fait qu’on commence à parler des femmes ».
Mais elle se montre sceptique sur le contenu de l’assemblée plénière : « il n’y a rien de très nouveau dans ces débats, on y redit ce qui a déjà été dit par beaucoup de monde ».
Pour Mme Scaraffia, interrogée par l’AFP, les hommes restent aux commandes. « Les seules choses qui ont vraiment changé, c’est la présence des femmes dans les commissions d’experts, comme la commission de protection des mineurs ». Cette commission compte sept femmes, contre neuf hommes.
Des femmes sont aussi plus nombreuses à la Commission théologique internationale.
Dans la Curie, gouvernement de l’Église que le pape est en train de réformer, les femmes sont extrêmement rares et jamais à des postes de chefs de dicastère (ministre).
Parmi les projets en discussion sont évoqués les possibles nominations d’une religieuse à la tête du Conseil pour les migrants et d’un couple dans un des ministères chargés de la famille ou des laïcs.
« J’espère que peut-être François va changer quelque chose. Mais ce n’est pas encore venu », a ajouté Mme Scaraffia.