Les centres «anti-choix» prolifèrent

Le nombre de centres d’aide à la grossesse soupçonnés d’être « anti-choix » a triplé depuis 10 ans au Québec, passant de 5 à 15, soutient un rapport de la Fédération du Québec pour le planning des naissances (FQPN) dévoilé mercredi. Le regroupement féministe en faveur du libre-choix y voit la manifestation de nouvelles méthodes insidieuses employées par les groupes pro-vie pour faire passer leur message.
Cette nouvelle statistique s’appuie sur les dates d’enregistrement des centres au registre des entreprises du Québec. Il y a cinq ans, l’Association canadienne pour la liberté de choix avait recensé près de 170 centres d’aide pro-vie au Canada, dont près de 22 au Québec.
Les centres dans la mire de la FQPN sont ceux qui affichent une façade neutre, mais qui prodiguent des conseils teintés par leur position anti-avortement. La fédération appuie ses chiffres sur un rapport qu’elle a commandé à une équipe de chercheurs de l’UQAM. Ceux-ci ont surtout montré du doigt l’Alliance ressources grossesse (ARG), qui regroupe plusieurs centres établis à travers la province. L’ARG serait liée aux pro-vie puisqu’elle affiche sur son site Internet une ligne téléphonique financée par l’association Campagne Québec-Vie.
Le lien entretenu entre les centres d’aide à la grossesse et les réseaux anti-choix « est pour le moins discret, et souvent invisible », note l’étude de l’UQAM, mais les conséquences pour les femmes sont bien concrètes, affirme la professeure Audrey Gonin. « C’est préoccupant parce qu’une femme qui se fait dire que l’avortement cause le cancer du sein ou que ça rend alcoolique, alors que c’est faux, ça crée évidemment des inquiétudes injustifiées. Tous ces éléments sont contredits par l’Institut national de santé publique du Québec, qui est très clair sur le fait que l’avortement est une pratique sécuritaire », explique-t-elle.
De l’aide contre l’aide
Selon les constatations des chercheurs, les centres associés au mouvement pro-vie privilégient trois approches : ils « humanisent » l’embryon ou le foetus, décrivent le fait d’être mère comme étant « naturel » et mettent les femmes en garde contre les supposées conséquences physiques et psychologiques de l’avortement.
L’Alliance ressources grossesse ne nous a pas rappelés mercredi.
La FQPN dénonce également les méthodes utilisées par les centres qu’elle associe au mouvement pro-vie pour attirer l’oeil des femmes enceintes à la recherche de soutien. Elle a constaté que leurs sites Internet apparaissent souvent en tête de liste lorsqu’on entre des mots-clés liés à la grossesse ou à l’avortement.
« C’est vraiment très difficile de reconnaître les ressources pro-choix et anti-choix parce que le langage utilisé est souvent le même. […] Il y a une mise en scène qui donne une fausse crédibilité à ces groupes », indique la coordonnatrice générale de la FQPN, Sophie de Cordes.
Elle ajoute que le discours anti-choix au Québec évolue différemment de celui qu’on entend en Amérique du Nord : ici, on tente d’influencer les femmes plutôt que de miser exclusivement sur la protection du foetus, estime-t-elle.
Pour répondre à cette tendance, la FQPN a mis en ligne mercredi un outil qui permettra à son avis aux femmes enceintes de repérer les centres « anti-choix ».
Par le passé, la fédération a réclamé la création d’une certification pour les centres d’aide à la grossesse, à l’instar de ce qui existe par exemple pour les résidences privées pour personnes âgées. Elle a mis cette idée de côté par la suite, la jugeant coûteuse et trop complexe à mettre en application, et demande maintenant au gouvernement provincial de créer une plateforme contenant des informations « justes et précises sur le libre choix, la grossesse et l’avortement ». La FQPN propose aussi à Québec de former les intervenants sociaux pour qu’ils puissent « assurer une référence adéquate de leur clientèle ».