WikiLeaks trahi par Google

Des courriels — y compris les brouillons —, des informations personnelles et des métadonnées… Lundi, le site Internet spécialisé dans la révélation d’informations secrètes, WikiLeaks, a accusé Google de collaboration honteuse avec les autorités américaines qui se sont fait livrer, sans grande résistance, par le géant du tout numérique, des données personnelles sur trois journalistes au service de Julian Assange. Une complicité dans l’intrusion qui violerait les lois sur la protection de l’intimité aux États-Unis, dit WikiLeaks, mais qui pourrait également nuire à l’image du célèbre moteur de recherche et fournisseur, avec Gmail, de service de communication numérique à des millions d’internautes dans le monde.
« Toute cette histoire n’est pas très bonne pour l’image de Google, résume à l’autre bout du fil Vincent Gautrais, titulaire de la chaire en droit de la sécurité et des affaires électroniques de l’Université de Montréal. En matière de surveillance des citoyens, les demandes de collaboration envoyées par les autorités à des entreprises de communication trouvent chez d’autres des résistances bien plus fortes que cela. »
Selon des documents officiels diffusés sur le site de WikiLeaks, les services de renseignement américains ont réussi à mettre la main dans les dernières années, avec la complicité de Google, sur les courriels, le détail des comptes, mais également sur les métadonnées liées aux activités numériques de Sarah Harrison, Joseph Farrell et Kristinn Hrafnsson, journalistes et éditeurs du site versé dans le partage d’informations souvent compromettantes pour les entreprises et les gouvernements.
Cette collecte de données s’est jouée dans le cadre d’un mandat judiciaire et sous des accusations de « conspiration » et « d’espionnage ». Les peines encourues pour les infractions citées dans les documents judiciaires sont passibles de « 45 ans d’emprisonnement », souligne WikiLeaks.
Privacy Protection Act
Le média controversé dénonce vertement la légalité de telles demandes qui violeraient le Privacy Protection Act de 1980, dit le site de Julian Assange, qui doit protéger les éditeurs et journalistes de telles intrusions et auxquelles Google aurait dû s’opposer. Le site s’insurge également devant le fait que les trois personnes ciblées par les mandats ont été informées par le géant américain de l’existence d’une telle surveillance, deux ans après la réception des documents juridiques, soit en décembre dernier.
« Quand l’équilibre entre la sécurité et l’intrusion dans la vie privée est difficile à atteindre, dit M. Gautrais, la transparence reste finalement une bonne attitude face aux requêtes des autorités ciblant des individus. Transparence qui a été visiblement mal appréhendée ici. »
Les appels lancés lundi au bureau de Google en Californie sont restés lettre morte. Dans les pages du quotidien britannique TheGuardian, un porte-parole du géant américain dit toutefois n’avoir fait que respecter la loi. « Lorsque nous recevons une commission rogatoire ou une requête judiciaire, nous vérifions qu’elle respecte l’esprit et la lettre du droit avant de nous exécuter, dit-il. Si ce n’est pas le cas, nous pouvons émettre une objection. Notre feuille de route en la matière confirme d’ailleurs que nous défendons bien les intérêts de nos usagers », a-t-il ajouté.
Le site WikiLeaks est dans la ligne de mire du pouvoir américain depuis novembre 2010 et le début de la diffusion d’informations contenues dans près de 115 000 notes de service secrètes et confidentielles — et 130 000 autres non classées — de la diplomatie des États-Unis. Julian Assange, fondateur de WikiLeaks, vit reclus depuis 2012 dans l’ambassade de l’Équateur à Londres et fait face à une demande d’extradition de la Suède, qui veut le juger pour des agressions sexuelles alléguées, pour mieux l’envoyer par la suite se faire juger aux États-Unis, craint-il.