Des divulgations faites à la vitesse grand V

Après s’être plaints pendant des années de la trop lente divulgation des documents publics par Québec, des journalistes s’inquiètent maintenant de la volonté du gouvernement d’aller trop vite.
Le paradoxe découle de la modification du Règlement sur la diffusion de l’information et sur la protection des renseignements personnels annoncée le mois dernier par le ministre Jean-Marc Fournier responsable de l’Accès à l’information et de la Réforme des institutions démocratiques.
Les nouvelles dispositions prévoient la diffusion pour tous les citoyens de l’ensemble des documents transmis dans le cadre d’une demande d’accès à l’information cinq jours ouvrables après leur transmission au demandeur. Jusqu’ici, les documents n’étaient transmis qu’au seul demandeur. Au fédéral, la divulgation publique générale se fait 30 jours après la transmission au demandeur.
La Fédération professionnelle des journalistes du Québec (FPJQ) se dit inquiétée par ces nouvelles dispositions.
« Le délai de cinq jours est trop court », commente Monique Dumont, spécialiste en information de la Fédération dans un courriel de commentaires sur le dossier transmis au Devoir. « La divulgation devrait se calquer sur le modèle fédéral, soit une formulation sommaire de la demande, un numéro de référence, la réponse qui a été faite (divulgation totale, partielle ou refus), le nombre de pages remises au demandeur. [Au fédéral], un processus est mis en place pour demander les documents dans une 2e étape via le numéro de référence. »
S’en prendre aux primeurs
Le court délai de cinq jours avant la diffusion en ligne des infos pourrait nuire aux travaux des médias. On peut imaginer un tas de situations délicates où un journaliste perdrait l’avantage de l’exclusivité. Par exemple s’il était absent du bureau à la transmission des informations. Ou s’il recevait une masse de paperasse difficile à traiter en quelques jours. Ou si la mise en ligne ne concernait qu’une partie des communications d’un dossier utilisant plusieurs sources ministérielles, chacune avec son temps de réponse.
« On peut supposer que le gouvernement vise un objectif de désamorcer le plus possible “ les exclusifs ” et “ les scoops ” qui peuvent faire mal sous le couvert “ d’instaurer une culture de transparence ”, commente encore Mme Dumont pour la FPJQ. On peut aussi se demander si le délai de cinq jours est suffisant pour faire les vérifications et validations. »
Le porte-parole du gouvernement nie toute volonté de contrôle machiavélique. « Notre objectif est d’aller vers la plus grande transparence », dit au Devoir Félix Rhéaume, du ministère responsable de l’Accès à l’information et de la Réforme des institutions démocratiques. « Le délai de cinq jours imposé nous semble suffisant. »
Le vieux règlement ne prévoyait aucun délai de diffusion générale et laissait la décision à la discrétion des représentants de l’État. Les détails de la mise en oeuvre du nouveau cadre réglementaire seront connus au début de l’année prochaine. Les nouvelles balises devraient devenir effectives le 1er avril.
La modification du règlement ne concerne pas que ce seul aspect du délai de cinq jours. Le ministre Fournier a aussi annoncé le mois dernier une diffusion proactive de renseignements des ministères et des organismes publics relatifs aux frais de déplacement et de fonction, aux véhicules de fonction ainsi qu’aux dépenses de formation et de participation à des colloques et des congrès, de réception et d’accueil, de publicité et de promotion, de télécommunication et de location d’espaces. Les indemnités, allocations et salaires annuels des ministres, directeurs de cabinet et titulaires d’emplois des catégories supérieures de la fonction publique seront également dévoilés automatiquement.