Le suicide assisté sous la loupe de la Cour suprême

Le Québec, qui a été la première province à adopter une loi sur les soins de fin de vie, sera d’ailleurs un intervenant dans la cause.
Photo: Thinkstock Le Québec, qui a été la première province à adopter une loi sur les soins de fin de vie, sera d’ailleurs un intervenant dans la cause.

La Cour suprême se penchera cette semaine sur le suicide assisté pour les patients en fin de vie, un enjeu sensible pour la population vieillissante au Canada.

Mercredi, la plus haute cour du pays entendra un appel de l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique. Son jugement pourrait permettre à des patients mourants, mais mentalement aptes, de recevoir de l’aide médicale pour mourir s’ils le demandent.

Le Québec, qui a été la première province à adopter une loi sur les soins de fin de vie, sera d’ailleurs un intervenant dans la cause. Le gouvernement présentera des arguments sur la compétence des provinces en matière de soins de santé, afin de protéger sa propre loi.

Le Code criminel du Canada interdit toujours le suicide assisté, en vertu du jugement de la Cour suprême concernant Sue Rodriguez en 1993. La Britanno-Colombienne qui souffrait de la sclérose latérale amyotrophique s’était vu refuser l’aide à mourir parce que cela aurait contrevenu aux valeurs canadiennes.

Mme Rodriguez s’était finalement suicidée, assistée d’un médecin anonyme.

Profond changement

Les temps semblent toutefois avoir changé depuis vingt ans. Un sondage commandé par Mourir dans la dignité Canada indique que plus de 90 % des répondants appuient l’idée de permettre aux patients en fin de vie de mourir avec l’aide de médecins.

« Nous croyons que la Cour suprême sera en faveur du suicide assisté cette fois-ci. […] De toute évidence, c’est une idée qui jouit d’un vaste appui au pays », a expliqué Wanda Morris, de Mourir dans la dignité Canada.

L’avocate de l’Association des libertés civiles de la Colombie-Britannique croit elle aussi qu’il y a eu un changement profond dans la population canadienne. « Presque tous les Canadiens ont une certaine expérience, que ce soit avec un membre de la famille ou des proches, quant à cette décision très difficile. Les gens veulent qu’on se souvienne d’eux d’une certaine façon, ils veulent choisir comment dire adieu à leurs proches, ils veulent décider ce qu’ils feront de leurs derniers jours. Ce sont des décisions qui ne devraient pas être prises par le gouvernement », a souligné Grace Patine.

Deux femmes de la Colombie-Britannique en phase terminale, Kay Carter et Gloria Taylor, avaient fait appel avec l’Association des libertés civiles à la Cour suprême de la province en 2011. En 2012, la Cour avait statué que le Code criminel tel qu’il est enfreignait les droits des patients en fin de vie et elle avait laissé un an au gouvernement fédéral pour procéder à des changements dans les lois. Le gouvernement Harper avait choisi d’amener la cause devant la Cour suprême.

La Cour de la Colombie-Britannique avait aussi permis à Mme Taylor d’accéder à l’aide médicale à mourir, droit dont elle ne s’était pas prévalue puisqu’elle était décédée des suites de sa maladie dégénérative. Quant à Mme Carter, elle s’était rendue auparavant en Suisse, qui permet le suicide assisté, pour recevoir de tels services.

Le ministre de la Justice, Peter MacKay, avait plaidé pour le statu quo plus tôt cette année. « Le Code criminel, qui interdit le suicide assisté et l’euthanasie, protège toutes les personnes, y compris les plus vulnérables de la société », avait-il commenté, dans un communiqué de presse.

Le suicide assisté est aussi légal en Belgique et aux Pays-Bas.

Québec

Ayant ficelé son projet de loi autour de ses compétences en matière de santé — l’aide médicale à mourir étant considéré comme un soin de santé — Québec estime que sa loi ne relève pas du Code criminel.

Le gouvernement du Québec sera un intervenant dans la cause qui sera entendue mercredi à la Cour suprême.

«Considerant que l’aide médicale à mourir vise, et permet, le soulagement des patients en fin de vie atteints de maladies graves et incurables, la procureure générale du Québec estime que ce soin de santé doit être abordé en tenant compte du contexte medical dans lequel il s’inscrit, et non de façon désincarnée en centrant l’analyse uniquement sur sa conséquence ultime, le décès du patient», peut-on lire dans le mémoire déposé par la province.

Selon un sondage publié au début octobre, 84 % des Canadiens se disent en faveur de l’aide médicale à mourir. Le coup de sonde commandé par le groupe Dying With Dignity a été réalisé par Ipsos-Reid.

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