Une profession qui mériterait d’être mieux comprise

Pierre Vallée Collaboration spéciale

Ce texte fait partie du cahier spécial Semaine des professionnels 2014

Connaît-on vraiment bien la profession de psychoéducateur ? En quoi consiste précisément son travail ? Et quels en sont les lieux d’exercice ? Mise au point avec Denis Leclerc, président de l’Ordre des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec.

« La profession de psychoéducateur mériterait d’être à la fois mieux connue et mieux reconnue, admet d’emblée Denis Leclerc. D’une part, il n’y a pas suffisamment de personnes dans le grand public qui savent ce que nous faisons exactement et, d’autre part, notre contribution en tant que professionnels dans la résolution de certains problèmes n’est pas toujours reconnue à sa juste valeur. »

Commençons par une définition. Le psychoéducateur travaille auprès de personnes qui éprouvent des difficultés d’adaptation à une situation donnée, difficultés qui s’expriment par un comportement indésirable. Pour pratiquer au Québec, un psychoéducateur doit être le détenteur d’une maîtrise en psychoéducation et être membre de l’Office des psychoéducateurs et psychoéducatrices du Québec.

« Un psychoéducateur est avant tout un intervenant direct en relations humaines. Sa formation lui permet de bien cerner les difficultés et les besoins d’adaptation et ensuite de mettre en place un plan d’intervention pour corriger la situation. Mais il est aussi formé pour reconnaître les capacités adaptatives des personnes. Ce sont sur ces capacités adaptatives des personnes que reposera le plan d’intervention, car notre approche est de toujours s’appuyer sur les forces d’un individu. Par contre, ce qui nous distingue particulièrement des autres professionnels des relations humaines, c’est que nous nous situons à l’intersection de l’individu et de l’environnement. Évidemment, nous tenons compte des contraintes individuelles, mais nous tenons aussi compte des contraintes environnementales, puisque nous croyons qu’il y a une interaction entre l’individu et son environnement. »

 

Lieux de pratique

Lorsqu’on mentionne la profession de psychoéducateur et son lieu de travail, la majorité des personnes pensent spontanément au milieu scolaire. « Nous sommes encore énormément associés au milieu scolaire. C’est une image qui nous colle à la peau mais qui, malheureusement, ne colle pas à la réalité. Seulement le tiers de nos quelque 4000 membres se retrouvent dans le milieu de l’éducation, la plupart comme intervenants directs en milieu scolaire. La majorité de nos membres, soit près de 55 %, évoluent plutôt dans le domaine de la santé et des services sociaux, ce que peu de gens savent. »

Ainsi, 20 % des psychoéducateurs au Québec travaillent au sein des CSSS et des CLSC, 15 % dans les centres de la jeunesse, une autre tranche de 15 % dans les centres de réadaptation et finalement 5 % en milieu hospitalier. Quelques-uns travaillent dans un centre de détention et le reste en cabinet privé. « En santé et en services sociaux, nos lieux de pratique sont variés et nos interventions le sont tout autant. Par exemple, les psychoéducateurs en CSSS ou en CLSC seront souvent appelés à travailler dans un contexte familial. »

Il serait aussi faux de croire que les jeunes sont la seule clientèle des psychoéducateurs. « Dans le milieu de la santé et des services sociaux, nous intervenons souvent auprès d’une clientèle adulte, en particulier les personnes ayant des problèmes de santé mentale, dont nous assurons le suivi. Nous travaillons aussi de plus en plus avec les personnesâgées. »

Des interventions complexes

 

Selon Denis Leclerc, une des raisons pour lesquelles la profession de psychoéducateur n’est pas autant reconnue qu’elle devrait l’être réside dans la complexité des interventions d’un psychoéducateur. Il donne deux exemples : le premier tiré d’un fait vécu, le second, d’une situation hypothétique.

« Dans une résidence pour personnes âgées, un homme, qui connaît certains problèmes co- gnitifs, devient très agressif dès que les préposés l’approchent. De plus, il est aussi déplaisant avec les autres résidents. La solution simple serait de modifier sa médication. Mais la psychoéducatrice sur place avait remarqué dans ses observations qu’une seule résidente pouvait l’approcher sans problème. En observant de plus près, elle s’est rendu compte que cette résidente l’approchait toujours de côté. En poursuivant son investigation, elle a appris que cet homme âgé avait été, plus jeune, un boxeur. Et elle a compris que, dès qu’on l’approchait de face, il y voyait là un adversaire qu’il devait combattre. L’agressivité de l’homme est disparue dès qu’on a compris qu’il fallait l’aborder de côté et jamais de face. »

L’autre situation, bien qu’hypothétique, pourrait se passer dans n’importe quelle école secondaire. « Un élève est victime d’une agression physique de la part d’un autre élève. La réponse classique est de rencontrer la victime et l’agresseur pour voir ce qui s’est passé et ensuite de sanctionner l’agresseur en espérant qu’il ne répète pas son geste. Cette approche est valable et fonctionne souvent, mais celle d’un psychoéducateur se voudra plus approfondie. Par exemple, en prenant le temps de discuter avec la victime, il pourrait apprendre que cette dernière est aussi l’objet d’insultes homophobes. Et, en poursuivant cette discussion, le psychoéducateur pourrait en arriver à comprendre que le jeune se questionne lui-même sur son orientation sexuelle. Là, les choses deviennent plus complexes. Et, si le jeune accepte qu’il est homosexuel, cela ne veut pas dire pour autant qu’il est prêt à sortir du placard. Et, s’il vient d’un milieu où l’homosexualité est bannie, cela complique davantage le problème. Par contre, s’il provient d’un milieu où l’homosexualité est acceptée, il pourra compter sur son soutien. Dans la première approche, l’agresseur sera sanctionné et, s’il ne récidive pas, le problème semble réglé. Par contre, la victime, elle, continue à vivre la même détresse. L’approche du psychoéducateur, par contre, peut déceler cette détresse et mettre en place un plan de soutien. »

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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