Les arts vivants s’invitent dans les musées

Ce texte fait partie du cahier spécial Francophonie 2014
Le théâtre, les spectacles musicaux, la danse et les arts de performance sont par définition éphémères. Néanmoins, leurs créateurs et les musées travaillent de plus en plus pour en conserver la trace. Un travail qui n’est pas sans défis, rappelle Michel Côté, directeur du Musée de la civilisation de Québec.
Une fois que le rideau tombe sur une pièce de théâtre, un concert ou un spectacle de cirque, que reste-t-il ? Des costumes, des textes, des partitions, des consignes de scénographie, des décors, mais aussi le souvenir de la performance et les émotions qu’elle a fait naître chez les spectateurs. Un patrimoine difficilement saisissable, mais non moins important, qui risque de se perdre dans les méandres de la mémoire collective si rien n’est fait pour le préserver. La question préoccupe les créateurs et les institutions muséales depuis plusieurs années. Des spécialistes québécois, canadiens, français, suisses et britanniques poursuivront cette réflexion dans le cadre des 27e Entretiens Jacques-Cartier lors d’un colloque international qui se tiendra au Musée de la civilisation de Québec les 9 et 10 octobre.
« Actuellement, il n’y a pas de musée du spectacle vivant au Québec, remarque Michel Côté, directeur du Musée de la civilisation de Québec et président du comité scientifique du colloque. Une partie du patrimoine du théâtre, de la musique, de la danse et des arts de performance est en train de se perdre. »
À ce chapitre, d’autres pays sont bien plus avancés. La France a son Centre national du costume de scène, son Musée de la danse et sa Cité de la musique. L’Espagne et le Portugal ont chacun un musée national du théâtre. Le Victoria and Albert Museum, à Londres, possède un département consacré au théâtre et aux arts de performance.
Nombre de musées québécois tentent néanmoins, chacun à leur manière, de protéger le patrimoine des arts vivants. Le Musée de la civilisation de Québec a par exemple acquis les marionnettes, les décors et les archives du Théâtre de Sable, de même que divers objets ayant appartenu à Claude Léveillée, dont son piano à queue, et les costumes des personnages des premières émissions jeunesse de Radio-Canada.
Le processus n’est pas simple, affirme Michel Côté. « On est souvent confronté aux mêmes enjeux en matière de conservation, dit-il. On doit déterminer les objets les plus porteurs de l’oeuvre parmi les photos, les enregistrements, les costumes, les maquettes, les archives papier, etc. Et dans le cas des arts vivants, il faut parfois adopter une approche beaucoup plus écologique. Ce n’est pas possible de garder tous les décors, sans quoi on remplirait des entrepôts entiers. Il y a aussi les problèmes de conservation du matériel audiovisuel. Quel support doit-on choisir alors que la technologie évolue si rapidement ? »
Faire revivre les arts vivants
Mais ce n’est pas tout d’acquérir des collections d’objets. Encore faut-il savoir redonner aux arts vivants toute leur splendeur. « On ne peut pas se permettre d’exposer ces objets à la queue leu leu, sans discours, estime Michel Côté. De toute manière, on ne conçoit plus la muséographie de cette façon. La mise en scène du spectacle vivant nous oblige donc à penser nos expositions autrement. »
Le directeur se souvient notamment de Riff, une exposition présentée au Musée de la civilisation de Québec en 2010 qui s’intéressait à l’influence de la culture musicale africaine sur la musique populaire des Amériques. « On ne faisait pas qu’admirer les instruments, on les entendait également, se rappelle-t-il. Sans le son, impossible de rendre compte de l’émotion et de la sensibilité qui se dégagent des oeuvres musicales. »
Le spectacle vivant permet aux musées de repousser leurs propres limites. Dans l’exposition Corps rebelles — qui devait être inaugurée à l’occasion des Entretiens Jacques-Cartier, mais qui sera reportée en raison de l’incendie qui a récemment endommagé le Musée de la civilisation —, les visiteurs auront l’occasion de se costumer et de reproduire les enchaînements de la pièce Joe, chef-d’oeuvre de la danse contemporaine québécoise créé par le chorégraphe Jean-Pierre Perreault. « Les gens pourront vivre cette danse et en comprendre véritablement les mouvements, observe Michel Côté. Cette expérience change la relation même avec l’exposition : on passe du rôle de spectateur à celui d’acteur. »
Une muséographie en évolution
Les arts vivants ont un patrimoine à protéger, certes, mais ils offrent aussi un puits de créativité inouï pour les musées. Ce n’est pas pour rien que le Musée de la civilisation fait souvent appel à des créateurs pour réaliser des expositions, comme Robert Lepage, Michel Marc Bouchard et Alice Ronfard.
« Nos métiers sont plus proches qu’on ne le croyait, observe Michel Côté. Faire une exposition, c’est aussi monter un spectacle. D’un autre côté, nos démarches sont complémentaires. Les artistes ont une vision personnalisée de l’exposition, tandis que notre approche est plus scientifique. Ils apportent beaucoup à la muséographie. » Selon lui, la salle de concert Bourgie du Musée des beaux-arts de Montréal témoigne à elle seule du lien qui unit le spectacle vivant aux musées. « Désormais, les musées souhaitent être à la fois des lieux de transmission de connaissances, d’émerveillement, d’enchantement et de réflexion. En ce sens, les arts vivants constituent un incontournable pour nous. »
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