Des solutions de rechange au néolibéralisme économique

Pierre Vallée Collaboration spéciale
Certaines sociétés sont plus tolérantes que d’autres aux inégalités. Ce niveau de tolérance est un facteur qui vient modifier la pratique du capitalisme.
Photo: Jacques Nadeau Le Devoir Certaines sociétés sont plus tolérantes que d’autres aux inégalités. Ce niveau de tolérance est un facteur qui vient modifier la pratique du capitalisme.

Ce texte fait partie du cahier spécial Forum social des peuples

L’économie est un des thèmes retenus par le Forum social des peuples. Or, depuis maintenant plus de 30 ans — cela remonte à l’époque de Reagan — le discours économique est largement dominé par la doctrine du néolibéralisme. Existe-t-il des solutions de rechange ?

Comment expliquer que cette doctrine économique, malgré ses nombreux ratés, dont le plus récent et le plus dommageable est celui de la crise financière en 2008, puisse encore régner en maître ? « C’est évident que le néolibéralisme sert d’abord de puissants intérêts qui tiennent à ce qu’il demeure l’idéologie dominante, explique Robert Laplante, directeur général de l’Institut de recherche en économie contemporaine (IREC). De plus, depuis la chute du mur de Berlin, donc du communisme et du socialisme, il n’existe pas de doctrine de rechange unifiée qu’on pourrait opposer au néolibéralisme. Les solutions de rechange sont plus ou moins expérimentales, plus éclatées aussi, ce qui pour le moment laisse le champ plutôt libre au néolibéralisme. »

 

Capitalisme en cause

 

 La faute au capitalisme ? « Le capitalisme pose en soi un problème, croit Simon Tremblay-Pépin, chercheur à l’Institut de recherche et d’informations socio-économiques (IRIS). C’est que le système de gestion de l’économie que propose le capitalisme crée nécessairement des inégalités. »
 

Et Robert Laplante de rappeler « qu’il n’y a pas qu’un seul capitalisme, car le capitalisme varie selon les nations et l’espace que celles-ci laissent à l’intervention de l’État dans l’économie. Un second facteur qui vient modifier la pratique du capitalisme est la tolérance d’une nation aux inégalités. Par exemple, les États-Unis sont plus tolérants aux inégalités que ne le sont la France ou le Québec, deux nations qui se sont donné un filet de protection sociale et où l’arbitrage des débats sociaux n’est pas seulement guidé par les rapports marchands. »

 

Financiarisation de l’économie

 

Un des résultats du néolibéralisme est le rôle grandissant que joue aujourd’hui le secteur financier dans l’économie capitaliste. Cette façon de faire de l’argent avec de l’argent, par le biais de la spéculation, est souvent opposée au capitalisme de base, qui repose sur la production de biens et services. Et, comme la présence accrue du secteur financier dans l’économie s’explique par la déréglementation du secteur financier permise par le néolibéralisme, n’y a-t-il pas lieu de resserrer la réglementation ?
 

« Plus de réglementation ne ferait pas de tort, estime Simon Tremblay- Pépin, mais ce ne sera jamais suffisant. Il y aura toujours des petits futés qui trouveront un moyen de contourner la nouvelle réglementation. Il faut aller plus loin et proposer la gestion publique du secteur bancaire par la création d’une banque nationale publique. On pourrait en créer une de toutes pièces ou nationaliser une banque privée. On pourrait aussi confier cette responsabilité au service de la poste. Cette banque publique pratiquerait des taux d’intérêt raisonnables et surtout n’agirait pas dans l’espace spéculatif. Cette banque publique entrerait en compétition directe avec les banques privées, ce qui les obligerait à modifier leurs pratiques actuelles. »

 

Si on délaisse le néolibéralisme, vers quel modèle économique doit-on se tourner ? La social-démocratie ? « La social-démocratie est certainement plus avantageuse que le capitalisme débridé, poursuit Simon Tremblay-Pépin, mais ce n’est qu’un premier pas. L’humanité est capable d’imaginer une meilleure manière de gérer l’économie. Il faut être en mesure de décider collectivement de la gestion de l’économie et de l’orientation qu’on veut lui donner. Il faut sortir d’une économie de compétition et d’avarice et aller vers une économie de coopération. Je ne comprends pas pourquoi aujourd’hui, avec tous les outils informatiques dont on dispose, on est encore incapable de préciser quels sont les besoins que l’économie doit combler. »

 

Pour sa part, Robert Laplante estime que les questions écologiques, en particulier les changements climatiques, forceront les économies nationales à modifier leurs comportements. « Par exemple, la balance commerciale du Québec est grevée par l’importation de pétrole. Pourtant, au même moment, nous avons des surplus d’électricité. Il m’apparaît évident que l’électrification des transports serait non seulement bonne pour l’environnement, mais aussi rentable. Nous devons amorcer dès maintenant une conversion écologique de l’économie. »

 

Le Québec, un terreau fertile

 

Et le Québec, selon Robert Laplante, est l’endroit tout désigné pour transformer l’économie. « On ne s’en rend pas toujours compte, mais l’économie du Québec a ceci de particulier que l’économie sociale occupe une large part du terrain économique. On n’a qu’à penser à Desjardins, le premier établissement financier du Québec, qui est une coopérative, ainsi qu’aux coopératives agricoles, qui sont très dynamiques au Québec. Il y a aussi les fonds de travailleurs, un instrument qui permet la reprise en main de l’épargne collective. Cela donne au Québec une économie plus poreuse, donc plus susceptible de faire progresser les solutions de rechange économiques. Le Québec peut devenir porteur d’innovation s’il se met à la recherche de voies de sortie du néolibéralisme. »
 

 

Ce contenu a été produit par l’équipe des publications spéciales du Devoir, relevant du marketing. La rédaction du Devoir n’y a pas pris part.

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