Des « pics » anti-itinérants à Montréal

Des photos de « pointes anti-itinérants » soulèvent tout un tollé depuis quelques jours à Londres, mais Montréal n’est pas en reste. Bien que le phénomène soit encore marginal, des groupes communautaires oeuvrant au centre-ville ont confirmé au Devoir qu’au moins un commerce et quelques propriétaires d’immeubles résidentiels ont installé des « pics » sur le bord de leur vitrine ou de leur terrain pour empêcher les sans-abri ou tout autre flâneur indésirable de s’y installer.
Depuis quelque temps déjà, et ce, dans la plus grande discrétion, le magasin Archambault situé au coin des rues Sainte-Catherine et Berri a installé un dispositif de « pics » de deux rangées le long de la vitrine de sa librairie. Il est impossible non seulement pour un sans-abri de s’y allonger, mais aussi pour quiconque de s’y asseoir quelques minutes.
Malgré les tentatives du Devoir d’obtenir plus de renseignements, aucun représentant officiel chez Archambault n’a voulu faire de commentaires. À l’intérieur du magasin, lundi après-midi, une employée a par contre laissé tomber : « On s’en doute [du motif de ces installations]. »
À quelques pas du parc Émilie-Gamelin, près du métro Berri-UQAM, de nombreux sans-abri et marginaux traînent dans les environs. Une travailleuse de rue, qui a accepté d’accompagner Le Devoir mais qui ne peut être nommée, a été outrée de voir ce dispositif. « C’est le genre de mesure qu’on prend pour éviter que les pigeons s’installent sur les édifices et, là, on fait la même chose pour éviter d’avoir des êtres humains », a-t-elle déploré.
Le directeur général du groupe L’Itinéraire, Serge Lareault, est conscient que la présence de sans-abri peut être problématique dans ce coin, mais il prend bien soin de ne pas jeter trop rapidement la pierre aux commerçants. « Depuis cinq ans, on voit toutes sortes de petites mesures qui sont prises pour éviter que les sans-abri puissent dormir devant les commerces ou sur le bord des vitrines. On ne peut pas blâmer les commerçants de vouloir protéger leurs biens, mais en même temps, il faut bien que les gens de la rue puissent dormir quelque part », dit-il.
Après avoir vu les photos des pointes installées devant un immeuble luxueux et sous un viaduc à Londres, M. Lareault espère que ce type de mesures, qualifiées « d’indécentes », ne prendra pas d’ampleur à Montréal. Avec la construction d’immeubles résidentiels dans le centre-ville, il craint que des mesures dissuasives soient prises pour faire fuir les sans-abri au lieu de trouver des solutions pour freiner la hausse de l’itinérance.
Inadmissible, dit Projet Montréal
La conseillère de l’arrondissement Ville-Marie pour Projet Montréal, Valérie Plante, affirme que des questions seront posées pour éviter que ces dispositifs ne « prennent pas d’expansion » dans la métropole. « On va en discuter parce qu’on juge que c’est inadmissible d’utiliser de telles techniques, qui sont dégradantes », indique-t-elle.
Lundi à Londres, le maire de la ville, Boris Johnson, a d’ailleurs exigé que les pointes qui ont tant suscité de réactions sur les réseaux sociaux soient immédiatement retirées. Il a écrit sur Twitter qu’elles étaient « laides, contre-productives et stupides ».